Université de Paris I (Panthéon – Sorbonne)
D.E.A. de Droit International Economique
Année Académique 1998-1999
LE SYSTEME
DE REGLEMENT DES DIFFERENDS DE L’OMC ET LES PAYS EN DEVELOPPEMENT
Mémoire
pour le DEA de Droit International Economique
par
Mademoiselle Amélie FONDIMARE
sous
la direction du professeur Olivier AUDEOUD
Septembre
1999
Table des matières
Partie
1-. Le renforcement incontestable de l’efficacité
du nouveau système
A-.
Multilatéralisation du nouveau système
1-. Mise en place d’un système intégré
b)
L’atténuation du « forum shopping »
2 °)
Institution d’un système exclusif et obligatoire
b)
Conséquence : exclusion des sanctions unilatérales
B-.
Juridictionnalisation de la procédure
1°)
Création de nouveaux organes
a)
Un organe plénier : l’organe de règlement des différends (ORD)
b) Un organe spécifique : l’organe d’appel permanent (OAP)
2°)
Elimination de tout blocage de la procédure
b)
Instauration de la règle du consensus négatif
a)
A titre principal (article 25 MARD)
A-.
L’affirmation d’un traitement différencié en faveur des pays en développement
1°)
Enoncé des dispositions octroyant un traitement différencié
a)
La reprise de l’acquis du GATT : l’article 3§12 du MARD
b)
Dispositions générales introduites par le MARD
c)
La reconnaissance d’un traitement différencié distinct pour les pays les moins
avancés
2°)
Portée du traitement différencié dans les différentes phases de la procédure
ii)
Traitement différencié au cours des consultations
i)
Description de la procédure menée devant les groupes spéciaux
i)
Déroulement de la phase d’appel
i)
Nouvelle procédure de mise en œuvre
B-.
Mais lacunes de ce traitement différencié
1°)
Timidité du traitement différencié
a)
Peu d’innovation par rapport au passe
b)
Traitement différencié des pays les moins avancés : une portée matérielle
contestable
c)
Prédominance de la « soft law »
2°)
Défectuosité du traitement différencié
a)
Absence de définition précise des bénéficiaires du traitement différencie
c)
Mise en œuvre ou la persistance du rapport de force économique
Le GATT de 1947 ne disposait pas de mécanisme formel
de règlement des différends. N’étant qu’un traité (et non pas une institution),
il n’existait pas non plus en son sein d’organe spécifique au règlement des
différends. Ce dernier était gouverné par les dispositions lapidaires des
articles XXII et XXIII de l’Accord
général respectivement intitulées « Consultations » et « Protection
des concessions et des avantages ». ([1])
Le système
étant fondé sur la conservation des intérêts négociés, l’objet du mécanisme
de règlement des différends était de parvenir à un consensus négocié sur le
respect de ses règles et non de sanctionner les atteintes à ces dernières,
c’est pourquoi il reposait exclusivement sur la conciliation. La procédure
se décomposait en deux phases. La première, énoncée à l’article XXII était
bilatérale puisque les Parties en désaccord se voyaient soumises à une obligation
de consultation préalable. Et ce n’est que « dans le cas où un règlement
n’interviendrait pas dans un délai raisonnable » (article XXIII §2),
que la seconde phase de la procédure, phase multilatérale, pouvait être entamée.
Soit les parties au différend recouraient à la médiation
du Directeur général, soit elles en appelaient aux parties contractantes (réunion
plénière des Etats parties du GATT). Dans ce dernier cas, les Parties Contractantes
procédaient à une enquête et pouvaient adresser des recommandations aux Etats
concernés ou statuer sur la question, avec la possibilité d’autoriser la suspension
de concession : « Si elles considèrent que les circonstances
sont suffisamment graves pour justifier une telle mesure, elles pourront autoriser
une ou plusieurs Partie Contractante à suspendre, à l’égard de toute autre
[...] l’application de toute concession ou autre obligation résultant de l’Accord
général » (Article XXIII).
Ce système de règlement des différends était critiquable,
d’une part parce le principe de conciliation était fort préjudiciable aux
pays en développement, compte tenu de la faiblesse de leur poids dans les
relations économiques, et d’autre part, la nécessité de réunir l’ensemble
des Parties Contractantes pour chaque différend était paralysante.
Sous l’effet de la pratique est alors apparu la nécessité
de recourir à des organes plus restreints. Ainsi on recouru dans un premier
temps à la constitution de groupe de travail, qui furent ensuite supplantés
(1952) par la pratique des groupes spéciaux (Panels), dans un soucis d’indépendance
par rapport aux parties au litige (2).
Ces groupes étaient composés d’experts indépendants chargés d’instruire les
plaintes et qui rendaient leurs conclusions en l’absence des Etats concernés.
On aurait pu penser que le recours au système des Panels
offrait aux pays en développement une échappatoire au mode de la conciliation,
or il n’en a rien été et ce pour différentes raisons.
Tout d’abord, si les panels étaient chargés d’instruire
les plaintes, la conciliation demeurait un mode privilégié de règlement des
litiges à chaque étape de la procédure (ce n’était qu’à défaut d’accord amiable
entre les parties que le Panel transmettait ses conclusions sous forme de
rapport au Conseil des représentants). Leurs travaux étaient critiqués comme
trop longs .Par ailleurs la qualification mais aussi la neutralité des membres des panels a souvent
été contestée, notamment pour les liens que ces derniers entretenaient avec
le Secrétariat du GATT (Secrétariat qui reflétait à l’époque une forte influence
allemande et américaine).
Mais surtout l’ensemble de la procédure souffrait d’un
manque d’effectivité, résultant de l’instauration de la pratique du consensus.
En effet, l’établissement d’un groupe spécial ainsi que l’adoption de son
rapport étaient subordonnés au consensus du Conseil du GATT. Il suffisait
par conséquent d’une seule opposition au consensus pour que la procédure soit
bloquée et n’aboutisse jamais. L’effectivité du système apparaissait donc
le plus souvent hypothétique sachant que la partie incriminée participait
au vote. Les rapports des groupes spéciaux n’étant que des avis dont la valeur
juridique était subordonnée à leur adoption par le Conseil du GATT, on comprend
que la règle du consensus ait été critiquée comme étant le défaut majeur de
l’ancien système. Cependant, il ne
faut pas oublier que même dans les cas où les recommandations des groupes
spéciaux étaient validées, le contrôle de leur respect s’est avéré quasi -inexistant.
La procédure de règlement des différends du GATT n’était
donc manifestement pas adaptée aux pays en développement, la première phase
de la procédure (bilatérale) « fait le jeu des rapports de force :
la partie la plus puissante exerce inévitablement des pressions sur les plus
faibles », quant à la seconde, elle ne peut fonctionner entre pays
inégaux puisqu’en l’absence de sanctions prises par le GATT, « c’est la capacité de
rétorsion commerciale de chaque Etat qui détermine l’issue du litige »
(3). Seuls les Etats les plus puissants pouvaient encore
faire respecter leurs « droits » en recourant à des mesures de rétorsions
unilatérales, ce qui n’était pas des plus incontestable, mais qui ne figurait
pas dans les moyens dont disposaient les pays en développement pour faire
respecter « l’équilibre des intérêts négociés ».
L’application de règles identiques à des pays inégaux
était donc incontestablement source d’inégalité. C’est pourquoi, la nécessité de
prendre en considération la situation particulière des pays en développement
dans le système commercial multilatéral apparu au fil des ans, et ce notamment
sous l’impulsion de la CNUCED. (adoption de la Partie IV, institution du Système
des préférences généralisées, et décision du 28 novembre 1979 « Traitement
différencié et plus favorable, réciprocité et participation plus complète
des pays en voie de développement ») Et cette recherche d’égalité se
manifesta également dans le domaine du règlement des différends.
Le point de départ de l’évolution du système de règlement
des différends en faveur des pays
en développement résulte d’une proposition d’amendement de l’article XXIII
du GATT, faite par le Brésil et l’Uruguay en 1965.
Cette proposition faisait état de quatre éléments d’amélioration :
-l’institution d’une indemnité, destinée à compenser
les effets défavorables d’une mesure contestée sur l’économie d’un pays en
voie de développement,
-la mise en place de procédures additionnelles pour les
pays en développement,
-la possibilité pour les pays en développement d’être
relevés de leurs obligations lorsque des mesures contraignantes sont maintenues
à leur détriment,
-et la mise en place de mesures collectives assurant
l’exécution des recommandations des Panels.
Si toutes ces propositions n’ont pas été retenues, l’initiative
lancée abouti néanmoins à l’adoption par les Parties Contractantes de la Décision
du 5 avril 1966 sur la procédure d’application de l’article XXIII (4). Ce texte prend en compte pour la
première fois le risque pesant sur les pays en développement en matière de
différends ainsi que la nécessité d’un règlement rapide : « Reconnaissant
qu’un règlement rapide [...] est indispensable au bon fonctionnement
de l’Accord général et à l’existence d’un juste équilibre entre les droits
et les obligations de toutes les Parties Contractantes », « [...]toute
situation dans laquelle une partie contractante considère qu’un avantage résultant
pour elle directement de l’Accord général se trouve compromis [...]
risque de causer un grave préjudice au commerce et au développement économique
des parties contractantes peu développées [...] ».
Diverses dispositions organisent par ailleurs la prise
en compte de la situation spécifique de ces pays. Est ainsi établi :
- l’octroi à une partie peu développée des bons offices
du Directeur Général du GATT en cas d’échec des consultations (v. point 1)
- un droit automatique à l’établissement d’un Panel lorsqu’une
plainte émane d’un pays en développement contre un pays développé (v. points
4 et 5)
- l’instauration de délais précis (7 mois de l’engagement
des consultations jusqu'à la remise du rapport(v. points 4, 7 et 8)
Si ces améliorations sont remarquables en ce que, pour
la première fois, est consacrée une prise en considération des risques encourus
par les pays en développement, elles demeurent néanmoins fort timides par
rapport aux propositions de 1965. Ainsi, le principe de compensation financière
et l’exigence d’un droit automatique d’être relevé de ses obligations n’ont
pas été retenus. Par ailleurs, cette décision du 5 avril 1966 ne fut jamais
appliquée. Un seul pays (le Chili) engagea un recours à la suite de ce texte
mais l’abandonna ultérieurement. Cet élément témoignait du peu d’incidence
de ces modifications sur la situation des pays en développement.
Cependant, l’évolution du système ne s’arrêta pas là,
puisqu’en 1979 est intervenue une codification du système de règlement des
différends par la Décision du 28 novembre 1979 (5) :
« Mémorandum d’accord concernant les notifications, les consultations,
le règlement des différends et la surveillance », accompagné d’un
texte intitulé : « Description convenue de la pratique habituelle
du GATT en matière de règlement des différends (article XXIII, paragraphe
2) ».
Ces textes de 1979 permirent de préciser (et d’améliorer)
le système de règlement , notamment en faveur des pays en développement .
A ce titre, ils confirment le rôle de conciliation dévolu au Directeur général
du GATT en 1966 (v. point 8 du Mémorandum), ils prévoient la possibilité de
compensation temporaire pour le préjudice subi (v. Annexe point4), admettent
que si un différend oppose un pays en développement et un pays développé,
un ou plusieurs membres de Panels soient ressortissants de pays en développement.
(v. Annexe point 6 ii)), et pour finir, ils spécifient que les intérêts commerciaux
spécifiques des pays en développement doivent être pris en compte tout au
long de la procédure.
Si le Mémorandum avançait à grand pas vers une réelle
prise en considération de la position de faiblesse économique des pays en
développement lors du règlement des différends, l’effectivité de telles dispositions
restait précaire compte tenu du caractère non obligatoire des rapports des
Panels. En effet, les pays industrialisés
restaient encore hostiles à toutes les propositions des pays en développement
tendant à « juridictionnaliser » et à accélérer le cours de la procédure.
Et pourtant, c’est sous l’influence du plus puissant
d’entre eux (les Etats Unis) (6) que
progressivement va émerger la nécessité de recourir à un système de règlement
des litiges plus contraignant.
De petits ajustements sont intervenus par la suite (7). Mais, c’est la décision des parties contractantes
du 12 avril 1989 (8) qui,
tout en entérinant un certain nombre de tendances qui avaient émergé de la
pratique, a préparé et anticipé le Mémorandum d’accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends (MARD), qui constitue
l’Annexe 2 de la Charte de l’OMC.
Le Mémorandum
d’accord sur le règlement des différends (MARD) réalise une conventionnalisation
des évolutions déjà amorcées sous l’empire du GATT. Néanmoins si la conciliation
demeure comme autrefois au centre du règlement des différends, (un accord amiable étant
toujours préféré à l’engagement d’une procédure de règlement), en cas d’échec
de celle-ci, le nouveau système permet aux Etats Membres de recourir à des
mécanismes « quasi-juridictionnels» de règlement des litiges.
L’interrogation fondamentale qu’il convient dès lors
de soulever dans cette étude , est de savoir si le système de règlement des
litiges de l’OMC permet désormais de rééquilibrer le rapport de force économique
entre pays en développement et pays développés.
C’est pourquoi, il convient d’analyser dans une première
partie, les différentes améliorations apportées par le MARD de l’OMC. Améliorations
qui permettent désormais au système de règlement des différends d’être « efficace »
, ce qui conduit à la restauration d’une certaine égalité entre les Membres de l’OMC.
(Chacun peut désormais obtenir la condamnation de l’un quelconque des autres
Membres qui aurait contrevenu au système commercial multilatéral).
Mais il est alors nécessaire d’étudier dans une seconde
partie, la place désormais accordée aux pays en développement lors du règlement
des différends. En effet, si la rédaction du MARD laisse présumer la volonté
d’assurer une égalité entre tous les membres de l’OMC face au système de règlement
des différends, reste encore à savoir si cette volonté a été poussée jusqu'à
son terme. En somme, il s’agit de déterminer l’efficacité du traitement différencié
octroyé aux pays les plus désavantagés en matière de règlement des litiges.
L’augmentation croissante du nombre de plaintes portées
devant l’ORD (Organe de Règlement des Différends) témoigne de l’intérêt suscité
par le nouveau mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Cet intérêt
résulte sans conteste des améliorations apportées au nouveau système. En effet,
sous l’empire du GATT, le système de règlement des différends souffrait d’une
ineffectivité telle, que les Etats s’en sont détournés.
Le MARD de l’OMC semble avoir comblé les lacunes de son
prédécesseur puisqu’il met en place un système à la fois crédible et effectif.
L’efficacité du nouveau système tient à plusieurs éléments , mais il convient
de citer en aparté celui qui reflète toute la philosophie du système à savoir
un accroissement considérable de la place du droit. En effet, le système
de règlement des différends de l’OMC est un système basé sur des règles juridiques,
par opposition à un système où prévaudrait la seule puissance économique des
Etats concernés. Ce système n’est plus basé sur les principes de la diplomatie
internationale qui conduit souvent à l’adoption de solutions négociées à l’amiable
reflétant la puissance respective des Etats en présence. Ainsi, même si les
parties sont encouragées à régler leur conflit à l’amiable avant d’avoir recours
au système contradictoire des groupes spéciaux et de l’Organe d’Appel (articles
3§7 et 4§5 du MARD) ; toute solution amiable doit demeurer entièrement
conforme aux dispositions des accords de l’OMC (article 3§5 du MARD).
L’accroissement considérable de la place du droit dans
le nouveau système se reflète également dans la référence qui est faite aux
règles coutumières d’interprétation du droit international public, quand
il est nécessaire de clarifier le sens d’une règle de la Charte de l’OMC (article
3§2 du MARD).C’est la première fois qu’il est fait expressément référence
aux principes et règles habituelles d’interprétation du droit international
public. Il semble donc qu’une approche juridique du règlement des différends
est enfin reconnue, sans compter que la place du droit s’accroît au fur et
à mesure que s’éloigne la perspective d’un accord amiable (élément culminant
étant l’étape d’appel où seuls les arguments juridiques seront pris en compte).
L’efficacité du système de règlement des différends de
l’OMC ne tient cependant pas à une « simple » référence au droit.
Le MARD a en quelque sorte donné toute sa portée matérielle à cette référence,
en imposant une multilatéralisation et une juridictionnalisation
de la nouvelle procédure.
On parle de l’institution d’un système de règlement
des différends « intégré »
ou encore « unique », dans la mesure où, à la juxtaposition de plusieurs
mécanismes de règlement des différends, qui existait sous l’empire du GATT
47, a été substitué un système de
règlement des litiges intégré dans le cadre de l’OMC (9).
En effet, le cycle d’Uruguay ayant porté sur pratiquement
tous les secteurs du commerce mondial (services, droits de propriété intellectuelle...et
non plus seulement les marchandises), le système de règlement des différends
se devait d’organiser une procédure générale applicable à l’ensemble des secteurs
classiques et nouveaux du commerce mondial (v. Appendice 1 du MARD).
Pour ce faire, le caractère intégré du système nouveau
résulte à titre principal de la possibilité offerte aux membres de l’OMC
de fonder leurs revendications sur n’importe lequel des accords commerciaux
inclus dans les annexes de l’Accord instituant l’OMC, à savoir :
-les accords sur le commerce des marchandises
-l’Accord général sur le commerce des services
-l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
qui touchent au commerce
-les accords plurilatéraux (10)
Dans la mesure où, l’accord sur l’OMC ne comporte pas
de procédure de règlement des litiges, le MARD s’applique également aux consultations
et au règlement des différends entre les membres de l’OMC pour ce qui touche
leurs droits et obligations au titre des dispositions de l’Accord sur l’OMC
(donc pour tout différend concernant l’interprétation et l’application de
l’Accord lui-même).
Ce système de recours à un accord unique entraîne comme
première conséquence de placer le règlement des différends au centre d’un
ensemble conventionnel dont il constitue à la fois le symbole et le test de
viabilité, ce qui le « condamne » à fonctionner.
Mais ce système intégré présente une seconde particularité,
gage de sécurité juridique et par conséquent favorable aux pays en développement :
A l’issue des négociations commerciales multilatérales
du Kennedy et Tokyo Round divers codes furent adoptés, incluant parfois des
mécanismes de règlement des différends spécifiques. Ainsi, sous l’empire du
GATT se juxtaposaient plusieurs mécanismes de règlement des différends, ce
qui entraîna une certaine insécurité juridique découlant de ce que l’on appelait
le « Forum Shopping » ;
les Etats étant libre de choisir « à la carte » le mode de règlement
des litiges qui leur semblait le plus favorable.
La consécration du système de règlement des différends
de l’OMC comme système unique applicable à l’ensemble des accords permet d’atténuer
considérablement cette pratique du Forum Shopping. Et cette volonté transparaît à l’intérieur
même du dispositif du MARD.
Des procédures spécifiques sont prévues par certains
accords (v. Appendice 2 du MARD), procédures qui ont essentiellement pour
objet de permettre la consultation d’organes techniques composés d’experts
(v. articles 14§2 et 14§4 de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce,
et article 11§2 de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires).
Mais afin d’éviter toute éventualité de Forum Shopping, il est prévu qu’en
cas de concurrence d’applicabilité des règles spéciales et des règles générales
, les difficultés doivent être tranchées dans un délai assez bref (10 jours)
par le Président de l’ORD. Et pour ce faire, l’article 1§2 du MARD énonce
un principe général que le Président de l’ORD doit adopter dans le choix des
règles et procédures à appliquer au litige : priorité est donnée à la
règle spéciale sur la règle générale.
Cependant, malgré les avantages du système intégré, on
ne peut que déplorer la persistance du « phénomène de « mosaïque »
qui caractérisait le GATT de jadis » (11).
En effet, le
nouveau système de l’OMC fait souvent référence à d’autres Organisations Internationales
(cf. OMPI) ou à d’autres arrangements multilatéraux qui contiennent dans certains
cas leur propre système de règlement des différends. De plus, certaines conventions
internationales ou institutions régionales font référence à l’ancien mécanisme
de règlement des différends du GATT, tout en possédant leur propre système
en la matière.
Le risque est alors grand de voir les Etats procéder
à des « arbitrages » entre ces différents centres (Forum Shopping)
dans le but de choisir le mécanisme qui leur apparaîtra le plus favorable
à leur cause.
Le Forum Shopping
continue donc d’être une pratique possible même dans le cadre de l’OMC.
Au terme des articles 1§1 et 23 du MARD, l’OMC a compétence
exclusive pour traiter de tout litige entre Membres de l’organisation relatif
à l’application et l’interprétation des règles figurant aux différents accords
visés de l’OMC.
L’article 23 constitue une des clauses essentielles du MARD puisqu’elle affirme
que les Membres se sont engagés à n’avoir recours qu’aux règles et procédures
du MARD et à s’y conformer, lorsqu’il chercheront à obtenir réparation en
cas de violation d’obligation ou d’annulation ou de réduction d’avantages
résultant des accords visés, ou d’entrave à la réalisation d’un objectif desdits
accords. En conséquence, les membres de l’OMC ne sont pas habilités à déterminer
eux-mêmes l’existence d’une infraction et ils doivent renoncer à se faire
justice eux-mêmes (v. article 23§2 du MARD).
Les seules
sanctions possibles sont celles qui ont été préalablement autorisées par l’ORD
(suspension de concessions et autres obligations), après l’examen du différend et l’expiration de la période
dite « raisonnable » pour la mise en œuvre des recommandations et
décisions adoptées, tels que prévus dans le MARD.
En d’autres termes, le recours aux règles et procédures
de règlement des différends devient obligatoire lorsqu’un litige survient
entre des membres de l’OMC.
Si le MARD entérine la possibilité d’un recours à l’arbitrage
(v. article 25), celui-ci est cependant conçu comme un moyen marginal :
« certains différends concernant des questions clairement définies
par les parties ». De plus, il faut pour y recourir l’accord mutuel des parties.
Est donc reconnu l’exclusion de tout recours à des modes
de règlement des différends extérieurs à l’OMC. Le nouveau système se rapproche
donc d’un mécanisme de juridiction obligatoire puisque la juridiction de l’OMC
et de ses instances quasi-judiciaires s’impose obligatoirement à tous les
Etats Membres de l’OMC. Ainsi, le nouveau mécanisme peut être actionné unilatéralement
et le Membre mis en cause doit se soumettre à la juridiction du groupe spécial
(12).
La conséquence d’une exclusivité reconnue au nouveau
système de règlement des différends est d’écarter les règles du droit international
général relatives aux contre mesures, et notamment d’exclure les mesures unilatérales
préalables à toute procédure de règlement d’un litige.
L’article 23 couplé avec l’article XVI§4 de l’accord
sur l’OMC aboutit ainsi à une condamnation ferme et absolue de l’unilatéralisme
dont les pays en développement seront normalement les principaux bénéficiaires.
On ne peut évoquer les mesure unilatérales sans rappeler
les vives critiques auxquelles elles ont été confrontées. En effet, les sanctions
unilatérales sont largement préjudiciables aux pays en développement puisqu’ils
ne peuvent réagir. Les plus controversées sont sans aucun doute les sections
301 et super 301 des « Trades Acts » de 1974 et 1988 permettant
à l’exécutif américain de prendre des mesures de représailles unilatérales
sur la base d’une appréciation unilatérale des faits . Les Etats-Unis se sont
engagés à n’employer ce dispositif que conformément aux règles de l’OMC et
à l’aménager en conséquence . Les adaptations concernent les délais de procédure
(qui ont été modifiés pour les faire coïncider avec ceux du Mécanisme de règlement
des différends de l’OMC) et le fait que , dans les domaines couverts par l’OMC,
engagement a été pris de donner la priorité au Mécanisme de l’OMC.
Mais de même la Communauté Européenne ne peut désormais
utiliser le « Nouvel Instrument de Politique Commerciale » à l’égard
d’un autre Membre de l’OMC dans un domaine couvert par les accords d’Uruguay.
En conséquence, l’obligation pour un Membre de l’OMC
de recourir aux procédures de règlement des litiges du Mémorandum (lorsqu’il
a un différend avec un autre Membre de l’OMC dans un domaine couvert par les
Accords d’Uruguay) constitue donc incontestablement une avancée importante
dans la multilatéralisation du système commercial mondial. Et ce renforcement
du multilatéralisme ne peut être que bénéfique au renforcement de l’autorité
de l’OMC qui a la charge d’administrer cet instrument novateur .
La
multilatéralisation du système de règlement des différends est un gage de
sécurité pour les Membres de l’OMC. Elle permet une exclusion des sanctions
unilatérales et par conséquent rétablit un certain équilibre entre pays de
puissance inégale. Mais il ne faut pas voir dans ce seul élément la cause
du regain d’intérêt que manifestent les Membres de l’OMC à l’égard du nouveau
système. Ce serait négligé que l’attrait du nouveau système de règlement des
différends réside principalement dans la juridictionnalisation de sa procédure.
Plusieurs
éléments portent le témoignage d’une juridictionnalisation de la procédure
de règlement des différends de l’OMC. Ainsi, de nouveaux organes « quasi-juridictionnels »
sont créés, la procédure ne peut dorénavant plus être bloquée, et des possibilités
d’arbitrage ont été prévues.
Le MARD de l’OMC consacre la création de deux nouveaux
organes chargés d’administrer la procédure de règlement des différends :
l’Organe de Règlement des Différends (ORD) et l’Organe d’Appel Permanent (OAP).
Dans le cadre du nouveau système, l’administration des
règles et procédures du Mémorandum d’accord régissant le règlement des différends
et des accords visés par l’Acte final est confiée à la nouvelle OMC. Plus
précisément, c’est le Conseil général, composé de tous les Membres de l’OMC,
qui doit s’acquitter des fonctions de règlement des différends. A cet effet,
il a été prévu l’établissement d’un organe intégré, l’Organe de règlement
des différends (ORD). Composé de tous les Membres de l’OMC, il exerce les pouvoirs du Conseil général et des conseils
et des comités visés par l’Acte final. Il peut se réunir aussi souvent que
nécessaire (article 2§3), dispose de son propre président et établit son propre
règlement intérieur, ce qui lui confère une relative souplesse de fonctionnement.
L’article 2 du MARD intitulé « Administration »,
fixe les fonctions et règles de compétence dévolues à ce nouvel organe :
- fonction générale d’administration des règles et procédures
de règlement des différends
- pouvoir d’établir des groupes spéciaux
- adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’organe
d’appel
- assurer la surveillance de la mise en œuvre des décisions
et recommandations
- autoriser la suspension de concessions et d’autres
obligations
L’ institution de cet organe intégré dans le domaine
du règlement des différends permet à l’OMC comme l’affirment certains auteurs :
« d’exercer une véritable fonction de contrôle des obligations conventionnelles
des Etats et non plus simplement de favoriser la cohérence des interprétations
résultant de l’activité de règlement des différends » (13).
L’article 17 du MARD stipule que « un organe
d’appel permanent sera institué par l’ORD. Cet organe connaîtra des appels
concernant des affaires soumises à des groupes spéciaux ». Cet article
composé de quatorze paragraphes, décrit précisément le fonctionnement de l’OAP.
L’OAP se compose de sept personnes, mais seules trois
d’entre elles siègent pour une affaire donnée. Leur mandat est de quatre ans,
et renouvelable une fois. Leurs compétences consistent en la possibilité de
confirmer, modifier, ou infirmer les constatations juridiques du groupe spécial.
Rappelons que l’examen en appel d’une affaire est limité aux seules questions
de droit, sans qu’il puisse y avoir remise en cause de l’appréciation des
faits opérée par le groupe spécial. (C’est pourquoi on évoque souvent la ressemblance
de cette étape avec une juridiction de cassation.) Néanmoins l’institution
d’une phase d’appel apparaissait indispensable, dans la mesure où l’adoption
des rapports des groupes spéciaux est désormais quasi-automatique .
Le système de règlement des différends du GATT de 1947
avait été affecté par un problème de crédibilité résultant des compétences
et des comportements des personnes qui composaient les groupes spéciaux. Sur
ce point le MARD est incontestablement source d’amélioration puisqu’il impose
désormais des exigences strictes de compétence et de qualification des membres
des groupes spéciaux mais aussi de l’OAP. Ces règles strictes fixées dans
le but de garantir l’indépendance du système permettent également de lui rendre
une certaine crédibilité.
-
Composition des groupes spéciaux :
La neutralité des Membres des Panels avait souvent fait
l’objet de contestations sous l’ancien système. En effet, il s’agissait rarement
de juristes, mais plutôt de représentants des administrations des affaires
étrangères ou des attachés commerciaux d’ambassade, qui de surcroît avaient
tendance à se reposer sur les notes et les directives du Secrétariat général
du GATT. Ce dernier n’était normalement qu’un organe purement consultatif,
mais compte tenu de cette pratique, il avait acquis un véritable rôle de dirigeant
du règlement des litiges.
En réaction contre
les abus du passé, le MARD a posé des règles exigeantes quant à la qualification
des experts. L’article 8§1 du MARD énonce que les groupes spéciaux doivent
être « composés de personnes très qualifiées ayant ou non des
attaches avec des administrations nationales...qui ont enseigné le droit ou
la politique commerciale internationale ou publié des ouvrages dans ces domaines ».
Ces personnes très qualifiées doivent de surcroît être
choisies de façon à assurer leur indépendance, la participation de
personnes d’origines et de formation suffisamment diverses ainsi qu’un large
éventail d’expérience (article 8§2).
Pour faciliter le choix des personnes appelées à faire
partie des groupes spéciaux, le Secrétariat tient une liste indicative de personnes possédant les qualifications
requises (article 8§4). Les personnes ainsi appelées à faire partie de groupes
spéciaux y siègent à titre personnel et non en qualité de représentants d’un
gouvernement ou d’une organisation. D’ailleurs
il est prévu que les personnes composant les groupes spéciaux ne doivent pas
avoir la nationalité des parties au différend (sauf si les parties en conviennent
autrement. (v. Article 8§3), de même que les Membres de l’OMC n’ont pas le
droit de leur donner d’instruction et ne peuvent pas chercher à les influencer
en ce qui a trait aux questions dont le groupe spécial est saisi.
Par ailleurs, le MARD apporte également nombre de précisions
quant à la procédure et les méthodes de travail à suivre (articles 12 et 15 ;
Appendice 3 du MARD).
-
Composition de l’Organe d’Appel Permanent :
La composition de l’OAP obéit également à des règles
de qualification très strictes. Le paragraphe 3 de l’article 17 stipule que
« L’organe d’appel comprendra des personnes dont l’autorité est reconnue,
qui auront fait la preuve de leur connaissance du droit, du commerce international
et des questions relevant des accords visés en général ».
Ces personnes ne doivent avoir aucune attache avec une
administration nationale. De plus, la composition de l’Organe d’appel est
et doit demeurer représentative de celle de l’OMC. Les Membres de l’Organe
d’appel ne sont pas attachés à l’OMC à plein temps mais le Mémorandum d’accord
prévoit qu’ils doivent être disponibles à tout moment et à bref délai. S’ils
sont en droit d’exercer d’autres activités, ils doivent éviter toute activité
qui les mettrait en conflit d’intérêt direct ou indirect ou limiteraient leur
disponibilité. Les membres doivent remplir leur mission sans solliciter ni
accepter d’instructions d’aucune organisation internationale, gouvernementale,
ni d’aucune source privée (v. Règle 2§3 des Procédures de travail de l’Organe
d’Appel).
Pour terminer, soulignons que cette volonté de rendre
toute sa crédibilité au système trouve son apogée dans le fait que l’ORD lors
de sa réunion du 3 décembre 1996 a adopté des règles de conduite pour les
personnes amenées à participer au règlement des différends, notamment les
membres des groupes spéciaux et les fonctionnaires du Secrétariat de l’OMC.
Le système
de règlement des différends de l’OMC se distingue de son prédécesseur en ce
que la procédure est désormais automatique et encadrée par de strictes délais.
Ces deux éléments (automaticité et rapidité) sont de nouveaux témoins de la
juridictionnalistion de la nouvelle procédure, mais ils consacrent également
à cette dernière la crédibilité qui lui faisait défaut sous l’empire du GATT
de 1947.
Les articles XXII et XXIII du GATT de 1947, présentaient
la lacune de ne donner aucune précision quant à la durée de la procédure du
règlement des différends. On comprend alors que la solution des litiges pouvait
être indéfiniment différée. Les textes
de codification de 1979 firent cependant référence à la notion de « délai
raisonnable », mais cette évolution n’était pas encore suffisante pour
permettre au règlement des différends d’assurer l’effectivité de son mécanisme.
Le MARD vient ici encore combler une lacune passée, car
à la souplesse du GATT se substitue une procédure plus stricte, dont le révélateur
manifeste est sans aucun doute la fixation de délais précis, strictes et
courts. Ces délais sont désormais
quantifiés par le MARD et ce pour chaque étape de la procédure.
Ainsi, les consultations qui constituent la première
étape obligatoire du règlement des différends de l’OMC répondent à plusieurs
délais fixés à l’article 4 du MARD. Lorsque les consultations sont demandées
par une partie, le destinataire de la demande a 10 jours pour y répondre (sauf autre délai
mutuellement consenti) et doit engager les consultations dans les 30 jours
qui suivent la réception de la demande. En cas de non-réponse ou si les consultations
sont improductives, il n’est désormais plus possible de bloquer la procédure,
puisque le MARD prévoit des délais minimum (30 jours dans le premier cas et
60 dans le second) au delà desquels il est possible de demander l’établissement
d’un Panel (14).
La durée des travaux des groupes spéciaux est
clairement définie à l’article 12 du MARD. Ainsi le délai dans lequel le groupe
spécial doit procéder à son examen, depuis la date à laquelle sa composition
et son mandat auront été arrêtés jusqu'à celle à laquelle le rapport final
sera remis aux parties au différend ne devrait pas, en règle générale dépasser
6 mois. ( article 12§8 et article 20 du MARD)
Comme pour les consultations, un délai plus court a néanmoins
été prévu pour les cas d’urgence (3 mois). Toutefois, pour répondre à l’objectif
de flexibilité prévu au paragraphe 2 de l’article 12, lorsque le groupe spécial
estime qu’il ne peut pas remettre son rapport dans un délai de 6 mois, il
doit informer l’ORD par écrit des raisons de ce retard et lui indiquer dans
quel délai il estime pouvoir remettre son rapport (article 12§9).Toutefois,
l’article12 §9 précise In fine, qu’ « en aucun cas, le délai
compris entre l’établissement d’un groupe spécial et la distribution de son
rapport aux Membres ne devrait dépasser neuf mois » (15). Les
groupes spéciaux se voient reconnaître la possibilité de suspendre
leur travail à la demande de la partie plaignante pendant une période de 12
mois (v. article 12§12). Néanmoins ,si ce délai venait à être dépassé,
l’autorité qui a été conférée au groupe spécial lors de son établissement
deviendrait alors caduque.
Enfin, reste à signaler que si le MARD (v. Article 15) a introduit la possibilité de recourir à une phase de réexamen intérimaire avant la remise du rapport final du groupe spécial, (16), précisons encore que cette phase n’occasionne aucune prolongation des délais précédemment cités.
Ensuite, l’ORD dispose de deux mois pour adopter le
rapport, à moins qu’il n’en soit fait appel (l’examen en appel ne doit
pas dépasser 90 jours). Le délai entre la date à laquelle l’ORD établira le
groupe spécial et celle à laquelle il examinera le rapport du groupe ou de
l’Organe d’appel en vue de son adoption ne dépassera pas , en règle générale,
9mois dans les cas où il ne sera pas fait appel du rapport ou 12
mois dans les cas où il en sera fait appel.
L’unique délai qui ne soit pas fixé précisément est celui
dans lequel la partie fautive doit mettre en œuvre les recommandations. Il
est fait appel ici à la notion de délai raisonnable (article 21). Toutefois,
le MARD fixe les modalités de quantification de ce délai, tout en fixant un
maximum : « le délai entre la date à laquelle le groupe spécial
a été établi par l’ORD et la date de détermination du délai raisonnable ne
dépassera pas quinze mois » (v. article 21§4).
En conclusion, entre le déclenchement d’un litige et
la suppression des mesures ou du comportement incriminé, il peut s’écouler
deux ans et demi au maximum. Cela peut paraître long, surtout que la procédure
comme auparavant n’entraîne pas d’effet suspensif. Or il n’en est rien si
l’on compare la situation actuelle avec le système précédent, d’autant plus
que désormais la procédure ne peut plus être bloquée par la mauvaise volonté
du pays perdant.
La règle du consensus était de principe sous l’empire
du système de règlement des différends du GATT de 1947, et ce pour chacune
des principales phases de la procédure :
- établissement du groupe spécial
- définition du mandat et de la composition du groupe
spécial
- adoption du rapport du groupe spécial
- autorisation de suspension de concession ou autre obligation
en cas de défaut de mise en oeuvre
On connaît le caractère paralysant du consensus, puisqu’il
était la principale cause du blocage du processus décisionnel dans le cadre
du GATT, et par conséquent la principale cause de la désaffection du système.
Si des évolutions sont apparues au fil des ans, rendant
les procédures de règlement des différends de plus en plus automatiques pour
ce qui concerne l’établissement d’un groupe spécial, son mandat et sa composition,
(17) malheureusement,
l’adoption du rapport du groupe spécial et l’autorisation de suspension de
concessions restaient toujours soumises à la pratique du consensus. Ainsi,
le problème posé par l’adoption du rapport restait au cœur des défectuosités
de l’ancien système, car ,( faut-il
le rappeler), le consensus octroyait la possibilité à toute partie contractante
(et notamment la partie perdante) de bloquer l’adoption en opposant son veto.
On peut constater aujourd’hui que la référence au consensus
n’a pas été éradiquée au sein de l’OMC. Cependant, en ce qui concerne le règlement
des différends, cette règle est inversée : « de positif, le consensus devient
négatif, en ce qu’il n’est plus nécessaire pour l’adoption du rapport, mais
pour son rejet » (18). La conséquence de ce renversement est la quasi automaticité
de la procédure. Compte tenu du nombre de membres de l’ORD, la possibilité
d’un consensus contre une adoption paraît en effet dérisoire. Il reste encore
à souligner que ce recours au consensus
négatif était préférable à l’instauration d’un système de vote dans le cadre
d’une organisation économique telle que l’OMC où peuvent se manifester nombre
de susceptibilités : « le vote se voit souvent reconnaître le
défaut de figer les positions des parties, alors que le consensus ne force
aucun pays à définir une position marquée et n’engage donc à rien pour l’avenir »
(19). Ce consensus
négatif s’applique par ailleurs à d’autres phases de la procédure :
- établissement des groupes spéciaux (v. article 6 du
MARD : les groupes spéciaux sont constitués, sauf si l’ORD s’y oppose
par consensus)
- autorisation de compensation ou de suspension de concessions
par l’ORD (v. article 22§6)
On constate ainsi que la procédure de règlement des différends
est largement simplifiée : les parties au différend ne peuvent plus s’opposer,
ni au déclenchement de celle-ci, ni à l’adoption du rapport, ni encore à la
prise de sanctions.
La technique du consensus négatif contribue donc au renforcement
du système de règlement des différends, en permettant de remédier au blocage
du processus décisionnel observé dans le cadre du GATT. « L’effet véritable de la mise en œuvre de
la technique du consensus négatif, c’est la quasi-automaticité de l’adoption
des rapports de panels, et par suite, la quasi disparition de l’une des faiblesses
parmi les plus remarquées du processus de règlement des différends » (20).
Le MARD de l’OMC par l’institutionnalisation de l’arbitrage
témoigne une fois encore de la juridictionnalisation de la procédure de règlement
des différends. Le MARD offre la possibilité de recourir à l’arbitrage soit
en tant que procédure à part entière, soit à titre subsidiaire, afin de permettre
l’application effective et rapide des recommandations et décisions de l’ORD.
Le règlement par voie d’arbitrage avait déjà été prévu
par la Décision des Parties Contractantes du 12 avril 1989 (21) , et
fut officialisé par le MARD de l’OMC en son article 25. Il s’agit d’un arbitrage
rapide, conçu « comme un autre moyen de règlement des différends »
qui peut faciliter la solution de certains différends concernant des questions
clairement définies par les deux parties.
Cette possibilité de recours à l’arbitrage nécessite :
-que les questions soient clairement définies
-l’accord mutuel des deux parties au différend, qui acceptent par ailleurs d’être
liées par le résultat de l’arbitrage.
-que le compromis d’arbitrage soit notifié à tous les
Membres dans un délai raisonnable précédant l’ouverture effective de la procédure.
La procédure prévoit par ailleurs la possibilité d’intervention
d’autres Membres de l’OMC à condition que les parties à l’instance y consentent.
Enfin, la décision arbitrale sera notifiée à l’ORD, ainsi qu’au « Conseil
ou Comité de tout accord pertinent, où tout Membre pourra soulever toute question
s’y rapportant ».
Même si la possibilité d’un tel recours à l’arbitrage
ne semble pas très attractive pour les Membres, compte tenu de la brièveté
et de la généralité de la procédure, cependant ,on ne peut que se féliciter
de l’officialisation d’une telle procédure par le MARD.
La technique d’arbitrage a ensuite été introduite par
le MARD à titre subsidiaire dans deux hypothèses :
-la surveillance de la mise en œuvre des recommandations
et décisions de l’ORD
-la compensation et
la suspension de concessions ou d’autres obligations
La mise en œuvre des recommandations et décisions de
l’ORD doit en principe être immédiate. Cependant, l’article 21§3 du MARD octroi
un délai raisonnable de mise en œuvre aux Membres qui ne peuvent satisfaire
à cette obligation. Lorsque les solutions consensuelles préconisées aux lettes
a) et b) de l’article 21§3 ont échoué, la quantification de ce délai peut
alors être opérée par « arbitrage contraignant », dans les 90 jours
suivant la date d’adoption des recommandations et décisions.
L’alinéa c) du paragraphe 3 de ce même article prévoit même que « dans cette procédure d’arbitrage, l’arbitre devrait partir du principe que le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations du groupe spécial ou de l’Organe d’appel ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d’adoption du rapport du groupe spécial ou de l’Organe d’appel. Toutefois, ce délai pourrait être plus court ou plus long, en fonction des circonstances » (22).
Si les recommandations ou décisions de l’ORD ne sont
pas mises en œuvre dans un délai raisonnable, l’article 22 du MARD, prévoit
à titre temporaire la compensation, puis si aucune compensation satisfaisante n’a été convenue dans les 20
jours suivant la date à laquelle le délai raisonnable sera venu à expiration,
la suspension de concessions ou d’autres obligations au titre des accords
visés. En tout état de cause, l’autorisation de suspendre appartient à l’ORD.
Toutefois, si le Membre concerné conteste le niveau de
la suspension proposée, ou affirme que certains principes et procédures devant
guider la suspension et énoncés au paragraphe 3 de l’article 22 n’ont pas
été suivi, la question sera soumise à arbitrage (v. article 22§6 du MARD).
Cet arbitrage sera assuré par le groupe spécial initial ou par un arbitre
désigné par le Directeur général et sera mené à bien dans les 60 jours suivant
la date à laquelle le délai raisonnable sera venu à expiration. L’arbitre
saisi aura trois missions essentielles :
-déterminer si la suspension de concessions ou d’autres
obligations proposée est autorisée
- déterminer si les principes et procédures énoncés au
paragraphe 3 ont été suivis
- déterminer si le niveau proposé de suspension est équivalent
au niveau de l’annulation ou de la réduction des avantages subies par la partie
plaignante.
L’ORD sera informé
dans les moindres délais de la décision de l’arbitre et accordera, sur demande,
l’autorisation de suspendre des concessions ou d’autres obligations dans les
cas où la demande sera compatible avec le décision de l’arbitre, à moins que
l’ORD ne décide par consensus de rejeter la demande.
Comme on a
pu le constater dans la première partie, le mécanisme de règlement des litiges
mis en place par l’OMC consacre un effort de multilatéralisation et de juridictionnalisation
du nouveau système. Celui-ci s’apparente désormais à un système « quasi-judiciaire ».
Le processus de résolution des différends est confié à des entités indépendantes
s’apparentant à des cours judiciaires (des groupes spéciaux qui entendent
les affaires comme organe de première instance, et qui agissent selon un modèle
arbitral, et l’Organe d’appel, organe de dernière instance, qui entend les
appels relatifs aux décisions rendues par les groupes spéciaux.) Et la volonté
est évidente de remédier aux dérives que le système avait connu ,notamment,
de préciser les délais de façon rigoureuse (la procédure totale étant comprise
entre un et deux ans), mais aussi de renforcer la crédibilité de la procédure,
en termes d’expertise, de compétence, d’impartialité.
Le bénéfice de ces deux éléments (multilatéralisation
et juridictionnaisation) est qu’ils portent le témoignage d’une volonté d’égalité entre les membres
de l’OMC : « En mettant sur un pied d’égalité juridique tous
les pays membres, elle donne, pour la première fois de l’histoire du commerce,
la possibilité aux petits de se retourner contre les grands » (23).
De plus, la pratique effective de l’OMC depuis 1995 révèle
une utilisation croissante du système de règlement des différends par les
pays en développement (24), ce qui semble témoigner de la réelle confiance que
ces derniers manifestent à l’égard du nouveau système.
On peut certes affirmer qu’ils sont les « principaux
bénéficiaires » de l’efficacité octroyée au nouveau système de règlement
des différends, dans la mesure où un système contraignant a été substitué
à un système dont l’efficacité reposait sur la force économique des Etats
au différend.
Cependant, l’analyse du MARD de l’OMC ne doit pas se
limiter à ses dispositions générales. Il convient de se pencher en second
lieu sur le traitement différencié accordé aux pays en développement.
En effet, on se souvient qu’à l’époque du GATT, la position
de faiblesse économique des pays en développement lors du règlement des différends
fut progressivement prise en considération, mais le traitement différencié
qui leur était alors reconnu souffrait d’un manque d’effectivité (caractère
non obligatoire des rapports des Panels).
Le MARD de
l’OMC a certes comblé cette lacune mais reste à savoir si les pays en développement
bénéficient encore d’un traitement différencié et quelle est l’efficacité
de ce dernier.
On peut se réjouir du maintien d’un traitement différencié
en matière de règlement des différends. En effet, le Mémorandum d’accord (MARD)
contient certaines dispositions visant expressément la situation des pays
en développement mais également celle encore plus particulière des pays les
moins avancés. Ces dispositions prévoient que tout au long de la procédure
« une attention particulière » devra être apportée aux intérêts
de ces pays.
On peut dès
lors être amené à penser que le nouveau mécanisme de règlement des différends
de l’OMC, compte tenu de la juridictionnalisation opérée et de l’octroi aux
pays en développement d’un traitement différencié, permet de rétablir une
situation égalitaire entre membres de la même « arène économique ».
Or ce jugement ne doit cependant pas être trop hâtif. C’est pourquoi, il convient
d’énoncer en premier lieu le contenu du traitement différencié accordé aux
pays en développement, afin de conclure sur l’efficacité ou non du nouveau
système.
Plusieurs dispositions du MARD accordent un traitement
différencié aux pays en développement, cependant elles se doivent d’ être distinguées en trois catégories :
Le paragraphe 12 de l’article 3 vise la situation particulière
dans laquelle « une plainte est déposée par un pays en développement
Membre contre un pays développé Membre ».
Mais la spécificité de cette disposition est d’affirmer
que le régime particulier mis en place par la Décision de 1966 sur l’application
des procédures du règlement aux différends entre pays en développement et
pays développés, continue de prévaloir.
Ainsi, un certain nombre de dispositions de cette décision
peuvent être invoquées par un pays en développement Membre qui déposerait
une plainte, avec effet d’écarter le jeu de certaines dispositions du Mémorandum :
article 4 sur les consultations
article 5 sur les bons offices, médiation,
conciliation
article 6 sur l’établissement des groupes
spéciaux
article 12 sur la procédure des groupes spéciaux.
La prise en compte de la situation particulière des pays
en développement fait l’objet de 6
dispositions. On parlera de dispositions générales dans la mesure où celles-ci
ne procèdent pas de sous-distinction entre les pays en développement.
- article 4§10 : prévoit qu’une attention particulière
devrait être accordée aux pays en développement au stade des consultations.
- article 8§10 : prévoit la possibilité que le groupe
spécial comprenne au moins un ressortissant d’un pays en développement Membre,
lorsqu’un différend oppose un pays développé et un pays en développement.
- article12§10 : prévoit un ajustement des délais de consultation et
de présentation des argumentations, en faveur des pays en développement.
- article 12§11 : soumet quant à lui, le groupe
spécial à une obligation particulière de motivation concernant la prise en
compte de tout régime différencié et plus favorable bénéficiant à un pays
en développement Membre.
- les paragraphes 2, 7 et 8 de l’article 21 : prennent
également en compte la situation particulière des pays en développement, mais
cette fois au niveau du mécanisme de mise en œuvre.
- article 27§2 : octroie aux pays en développement
une assistance technique particulière en matière de règlement des différends.
Le MARD de l’OMC matérialise pour la première fois dans
l’histoire des relations commerciales, la sous distinction opérée par le Mémorandum
de 1979 entre pays en développement et pays les moins avancés. Deux dispositions
sont ainsi expressément consacrées à ces derniers.
- article 24§1 énonce un impératif de modération en ce
qui les concerne, qu’il s’agisse de l’issue de l’engagement d’une procédure
ou des suites qui peuvent lui être données.
- article 24§2 prévoit qu’en cas d’échec des consultations,
les bons offices, médiation et conciliation du Directeur général ou du Président
de l’ORD sont offerts à la demande d’ un pays moins avancé Membre, et
avant qu’une demande d’établissement de groupe spécial ne soit faite.
Le simple énoncé des dispositions consacrant un traitement
différencié aux pays en développement ne permet pas à lui seul de dresser
un bilan de la nouvelle situation de ces pays face au système de règlement
des différends.
C’est pourquoi, il semble opportun dans cette partie
de rappeler le mécanisme global de chaque phase de la procédure ainsi que
ces améliorations, pour terminer sur le traitement différencié propre à chaque
étape.
Le but d’une telle démarche est de mettre en évidence
l’apport réel ou non du traitement différencié par rapport à la procédure
générale afin de dresser un bilan sur l’efficacité de ce traitement.
Comme sous l’empire du GATT de 1947, les consultations
gardent au sein du MARD de l’OMC, la place d’une première étape indispensable
dans le processus de règlement des différends (article 3§7 du MARD).Or on
sait que ce mode de règlement des différends a toujours été désavantageux
pour les pays les plus faibles économiquement, ceux-ci bénéficiant de peu
de poids dans la négociation.
C’est pourquoi,
nous étudierons dans ce paragraphe la nouvelle procédure de consultation telle
que consacrée et améliorée par le MARD, ainsi que les dispositions octroyant
un traitement différencié aux pays en développement au cours de cette phase
de la procédure.
Comme il l’a été dit précédemment, la phase de consultation
demeure une première étape indispensable dans le processus de règlement des
différends, car ce n’est qu’à défaut de solution mutuellement convenue qu’une
procédure de règlement pourra être actionnée (Article. 4§5).
Cependant, il est certain que le MARD a apporté de nombreuses
précisions visant à encadrer cette procédure, précisions qui contrastent avec
les dispositions lacunaires de l’article XXII du GATT de 1947. D’ailleurs,
cette volonté d’amélioration se manifeste au paragraphe 1er de
l’article 4 consacré aux consultations : « Les Membres affirment
leur résolution de renforcer et d’améliorer l’efficacité des procédures de
consultation utilisées par les Membres. ».
Nous citerons donc dans ce paragraphe, les principaux
éléments caractéristiques de la nouvelle procédure de consultation, avant
d’évoquer le traitement différencié et plus favorable désormais octroyé au
pays en développement à ce stade de la procédure.
§
Obligation de motivation
Toute demande de consultation se doit de répondre à une
obligation de motivation (exigence d’un écrit et indication des mesures en
cause et du fondement juridique de la plainte) et de notification à l’ORD
par le Membre qui en demande l’ouverture. (Article 4 du MARD)
§ Confidentialité
Les consultations sont confidentielles, elles ont lieu
entre les parties au litige seulement, et le Secrétariat de l’OMC n’assiste
pas à ces dernières (Article 4§6 du MARD) (25). Cependant, le paragraphe 11 de l’article 4 ouvre la
possibilité à tout Etat Membre qui estime avoir un intérêt commercial substantiel
de demander à participer à celles-ci.
Mais cette participation reste conditionnelle dans la
mesure où l’Etat destinataire de la demande de consultation détient un pouvoir
de veto.
§
Strictes délais
Pour clore, nous évoquerons les strictes délais dans
lesquels la phase des consultations est désormais encadrée, sans toutefois
répéter le contenu du paragraphe de la première partie consacré à cette question.
Ainsi, nous signalerons la coexistence de délais généraux
figurant aux paragraphes 3 et 7 de l’article 4, avec des délais spécifiques
prévus pour les cas d’urgence (article 4§8).
Que ce soit dans le premier ou le second cas, nous réitérerons
le constat au terme duquel les consultations
ne permettent plus à une partie de retarder ou de bloquer la procédure impunément.
En effet, les délais minimaux imposés (60 jours au terme de la procédure générale,
et 20 jours en cas d’urgence), permettent à la partie plaignante quel que
soit le résultat des consultations de demander l’établissement d’un groupe
spécial.
Ces diverses améliorations de la procédure de consultation
peuvent avoir des répercussions sur les pays en développement, notamment lorsque
ceux-ci sont en situation de plaignant.
En effet, on se souviendra qu’à l’époque du GATT, les
pays en développement, compte tenu de leur faible poids économique se trouvaient
dans une position de faiblesse lors des consultations. Ainsi, lorsqu’ils étaient
en position de plaignant, ils se trouvaient le plus souvent contraints de
préférer un accord amiable même désavantageux plutôt que poursuivre une procédure
qui ne leur permettait pas de voir le rapport du Panel adopté.
Avec le nouveau système, l’adoption automatique des rapports
fait bénéficier la partie plaignante d’un pouvoir de pression plus important.
Le pouvoir de négociation des pays en développement lors de la phase de consultation
se trouve donc renforcé lorsque ceux-ci sont en position de plaignant.
Cependant, cette amélioration provient des dispositions
générales du MARD et bénéficie par conséquent à tous les Membres de l’OMC
sans distinction. Il convient dès lors d’évoquer les dispositions spécifiquement
attribués aux pays en développement.
Quatre dispositions du MARD peuvent être évoquées dans ce paragraphe,
puisque chacune d’entre elles consacre un traitement spécifiques aux pays
les plus faibles. Cependant, nous procéderons ici à une classification de
ces dispositions en fonction de leur objet.
§ Octroi d’une attention particulière au stade
des consultations : article 4§10
A titre préliminaire, il convient en effet de mentionner
le paragraphe 10 de l’article 4 du MARD car il énonce l’attitude à adopter
par tous les Membres de l’OMC au stade des consultations, lors d’un différend
dans lequel est impliqué un pays en développement :
« Au cours des consultations, les Membres devraient
accorder une attention spéciale aux problèmes et intérêts particuliers des
pays en développement Membres. ».
On peut certes se féliciter que la spécificité des pays
en développement soit ainsi affirmée et prise en compte au stade des consultations,
cependant nous adresserons une double critique à cette disposition.
-d’une part il ne s’agit pas d’une nouveauté, puisque
le Mémorandum d’accord du 28 novembre 1979 qui est venu codifier la pratique
du GATT, mentionnait déjà en son point 5 exactement la même obligation (26).
-et d’autre part on peut douter de l’effectivité d’une
telle disposition qui, par l’emploi du conditionnel « devraient »,
se rapproche plus d’une déclaration de bonne volonté que d’une véritable obligation.
Or on sait hélas tout le poids de la « soft law » dans les relations
internationales et plus particulièrement dans les relations économiques !
Si le bénéfice de l’article 4§10 consiste en la simple
reconnaissance de la spécificité des pays en développement, d’autres dispositions
du MARD consacre cependant la portée matérielle de cette dernière.
n
Adaptation des délais de consultation :
articles 12§10 et 3§12
ARTICLE 12§10 :
Dans le cas où un pays en développement se trouve défendeur
au différend, le paragraphe 10 de l’article 12 prévoit une possibilité d’extension des
délais de consultation : « Dans le contexte de consultations portant
sur une mesure prise par un pays en développement, les parties pourront convenir
d’étendre les délais fixés aux paragraphes 7 et 8 de l’article 4... ».
Cependant , cette disposition n’est pas exempte de critique, puisque l’extension
de délai ainsi « offerte » aux pays en développement demeure
conditionnelle car elle nécessite l’accord des parties.
Il est donc regrettable que le MARD, plutôt que
de convenir de délais spécifiques aux pays en développement, subordonne
l’octroi de ceux-ci à l’accord des parties. En effet, ce n’est pas réellement
prendre en compte la spécificité reconnue à l’article 4§10, que de laisser
l’extension de délai reconnue aux pays en développement à la discrétion du
plaignant.
Cependant, dans le cas où un accord sur l’extension des délais a pu être trouvé, le MARD aménage
une seconde opportunité en faveur des pays en développement. En effet, « Si
à l’expiration du délai indiqué, les parties qui ont pris part aux consultations
ne peuvent pas convenir que celles-ci ont abouti, le Président de l’ORD décidera,
après les avoir consultées, si ce délai doit être prolongé et, si tel est
le cas, pour combien de temps ».
Dans tous les cas cependant (extension de délai convenue
entre les parties, et prolongation accordée par le Président de l’ORD), l’extension
des délais se heurte à une seconde limite : le respect des conditions
légales des délais de procédure fixés au paragraphe 1er de l’article
20 et au paragraphe 4 de l’article 21.
ARTICLE 3§12 :
Le paragraphe 12 de l’article 3, octroie à
tout pays en développement plaignant,
la possibilité d’invoquer, « au lieu des dispositions contenues dans
les articles 4, 5, 6 et 12 [...], les dispositions correspondantes de la Décision
du 5 avril 1966 ».
L’apport de cette disposition lors de la phase de consultation,
consiste en la possibilité d’invoquer les délais mentionnés au paragraphe
4 de la décision du 5 avril 1966.
Cependant, ces délais ne semblent plus aujourd’hui représenter
un quelconque intérêt car ils correspondent à ceux de la procédure générale
fixés au paragraphe 7 de l’article 4 du MARD : « Si les
consultations n’aboutissent pas à un règlement du différend dans les soixante
jours... » (27).
n
Possibilité de recourir aux
bons offices du Directeur général : article 3§12 et article 24§2
Deux dispositions
du MARD reconnaissent aux pays les plus faibles la possibilité de recourir
aux bons offices du Directeur général, cependant il conviendra ici de les
distinguer puisque l’une d’entre elles vise spécifiquement les pays les moins
avancés.
-Comme on l’a vu précédemment, le paragraphe 12 de
l’article 3, octroie à un pays en développement plaignant, la possibilité
d’invoquer, « au lieu des dispositions contenues dans les articles
4, 5, 6 et 12 [...], les dispositions correspondantes de la Décision du 5
avril 1966 ».
En vertu de cette disposition, le pays en développement
plaignant pourra alors invoquer d’une part, le paragraphe 1er de cette décision au terme duquel lui est reconnu
la possibilité de recourir, en cas d’échec des consultations, aux bons offices
du Directeur général (28).
-La seconde disposition qui puisse être évoquée dans
ce paragraphe, est le paragraphe 2 de l’article 24 qui vise spécifiquement
les pays les moins avancés. Au terme de cet article, en cas d’échec des
consultations, ces pays pourront se voir offrir les bons offices, conciliation
ou médiation du Directeur général ou du Président de l’ORD, avant qu’une demande
d’établissement du groupe spécial ne soit faite.
Encore une fois, nous nous prêterons à la critique. L’
intérêt de ces deux dispositions peut en effet être mis en doute dans la mesure
où l’on constate une double redondance du MARD :
- premièrement si l’article 24§2 octroie aux seuls pays
les moins avancés la possibilité de recourir aux bons offices du Directeur
général ne fait-il pas double emploi avec l’article 3§12 ?
C’est certes reconnaître un traitement différencié aux
pays les moins avancés, mais ce traitement
ne diffère pas de celui déjà accordé à la catégorie plus générale des
pays en développement, et ce depuis déjà fort longtemps (v. paragraphe 1er
de la Décision de 1966 et point 8 du Mémorandum d’accord de 1979).
- ensuite, et là , la critique est portée à son comble : pourquoi maintenir deux dispositions spécifiques aux pays en développement et aux pays les moins avancés, alors que l’article 5§6 du MARD prévoit le recours aux bons offices, conciliation et médiation du Directeur général et ce de manière absolue pour tous les Membres de l’OMC ?
Par conséquent, les articles 24§2 et 3§12 ne font que
reconnaître un traitement différencié, qui dans la pratique n’a aucune portée
matérielle, puisque ces deux dispositions confèrent un avantage déjà reconnu à tout Etat Membre de l’OMC.
En vertu de la procédure initiale du GATT de 1947, en
cas d’échec des consultations, les parties pouvaient en appeler aux Parties
Contractantes (29): article
XXIII §2 « Dans le cas où un règlement n’interviendrait pas dans un
délai raisonnable...la question pourra être portée devant les Parties Contractantes ».
Or réunir l’ensemble
des Etats parties au GATT pour chaque différend était matériellement paralysant.
Aussi, c’est par apport de la pratique qu’on recouru à des organes restreints.
Cependant, malgré les efforts de la pratique et la codification intervenue
en 1979, nombre de « défaillances » pouvaient encore être reprochées
à la procédure menée devant les groupes spéciaux. Voilà pourquoi, nous évoquerons
ici, comme dans le paragraphe précédent, la nouvelle procédure et ses améliorations,
afin de d’analyser l’intérêt du traitement différencié octroyé aux pays en
développement au cours de cette phase.
n
Demande d’établissement d’un
groupe spécial : précise et unilatérale
La demande d’établissement d’un groupe spécial est unilatérale
(article 4§7), elle émane du plaignant
qui doit préciser par écrit si les consultations ont eu lieu, l’objet du différend,
le fondement juridique de la plainte et préciser le mandat du groupe spécial
s’il diffère du mandat type (article 6§2).
Cette exigence de précision qui est aujourd’hui
imposée pour toute demande d’établissement de groupe spécial est importante,
dans la mesure où la demande permet à la partie défenderesse et aux parties
tierces d’être dûment informées de la base juridique de la plainte.
n
Etablissement « quasi-automatique »
du groupe spécial
Comme nous l’avons vu dans notre première partie, l’établissement
des groupes spéciaux est devenu « quasi automatique ». En effet,
une fois la demande d’établissement déposée auprès de l’ORD, celle-ci doit
être examinée lors de la première réunion qui suit. Tout comme sous le GATT
de 1947, la partie défenderesse peut alors s’opposer à l’établissement du
groupe spécial. Néanmoins, l’article 6§1 prévoit qu’un groupe spécial sera
établi au plus tard à la réunion de l’ORD qui suivra celle à laquelle la demande
aura été inscrite pour la première fois à l’ordre du jour de l’ORD, à
moins qu’à ladite réunion, l’ORD ne décide par consensus de ne pas établir
de groupe spécial (règle du consensus négatif ou inversé, voir article 6§1).
n
Fixation de délais précis
Nous ne réitérerons pas ici les développements consacrés à cette question dans notre première partie. Mentionnons simplement le fait que la durée des travaux des groupes spéciaux est désormais clairement définie à l’article 12 du MARD. Globalement, la période comprise entre l’établissement du Panel et l’examen du rapport par l’ORD, en vue de son adoption ne doit pas dépasser neuf mois (v. article 12§9 du MARD). Et même si le MARD de l’OMC a introduit la possibilité d’une phase de réexamen intérimaire avant la remise du rapport final du groupe spécial (v. article 15 du MARD), celle-ci n’occasionne aucune prolongation des délais prévus à l’article 12 du MARD.
n
Composition et fonction des
groupes spéciaux
Composition :
Les groupes spéciaux sont généralement composés de trois
personnes, à moins que les parties au différend ne conviennent, dans un délai
de 10 jours à compter de l’établissement du groupe spécial, que celui-ci sera
composé de 5 personnes (article 8§5). Comme nous l’avons déjà mentionné, le
choix des personnes appelées à faire partie des groupes spéciaux n’est pas
laissé au hasard puisque le MARD prévoit le recours à des personnes très qualifiées
(article 8§1), qui de surcroît doivent être choisies de façon à assurer leur
indépendance.
Fonctions :
Le groupe spécial est doté d’un mandat type (30) défini
par le Mémorandum (article 7§1), à moins que les parties ne décident dans
un délai maximum de 20 jours de le doter d’un mandat spécial. Un calendrier
de travail (article 12§3) doit être fixé par le groupe spécial « dès
que cela sera réalisable, et chaque fois que possible, au plus tard une semaine
après que la composition et le mandat du groupe spécial auront été arrêtés ».Lors
de l’élaboration de ce calendrier, le groupe spécial doit veiller à ménager aux
parties au différend un délai suffisant pour rédiger leurs communications
(31). Le MARD
définit clairement la fonction des groupes spéciaux en son article 11 (32), et la
procédure à suivre est détaillée à l’article 12. Ainsi les groupes spéciaux
doivent généralement suivre les procédures de travail énoncées dans l’Appendice
3 du MARD, mais ceci reste à titre supplétif : article 12§1 : « Les
groupes spéciaux suivront les procédures de travail énoncées dans l’Appendice
3, à moins qu’ils n’en décident autrement après avoir consulté les parties
au différend. »
Il est encore précisé que les procédures des groupes
spéciaux doivent offrir une flexibilité suffisante pour que les rapports des
groupes spéciaux soient de haute qualité, « sans toutefois retarder indûment
les travaux des groupes » (v. article 12§2).
Au terme de l’article 13 du MARD, les groupes spéciaux
ont le droit de demander des renseignements, des avis techniques et de consulter
des experts.
Le MARD prévoit des garanties à la fois de transparence
vis à vis de l’Etat qui peut être concerné par la demande , et de confidentialité
compte tenu de la nature des renseignements et avis qui peuvent être demandés.
(Le recours à des experts, qui peut aller jusqu'à la constitution de groupes
d’experts, obéit à des règles assez strictes V. Appendice 4) Des règles ont
été aménagées pour garantir la confidentialité de certaines informations portées
à la connaissance du groupe spécial tout en assurant une transparence de la
procédure permettant notamment de respecter le principe du contradictoire.
Ainsi, il est possible de demander la protection de la confidentialité
(article 3 Appendice 3), mais avec obligation de fournir un résumé
non confidentiel des renseignements qui peuvent être communiqués au
public.
n
Intervention de tierces parties
et jonction de plainte
Au titre des nouveautés, l’article 10 peut être évoqué
puisqu’il prévoit que désormais (article 10§2), tout Etat tiers « qui
aura un intérêt substantiel dans une affaire » peut intervenir dans
la procédure pour faire valoir ses vues, par des communications écrites remises
au groupe spécial et dont celui-ci doit faire état dans son rapport. Cette
précision présente le caractère d’une garantie car elle constitue un moyen
pour la tierce partie de s’assurer que le groupe spécial a tenu compte de
son intérêt. Par ailleurs, et là encore il s’agit d’une nouveauté : les
tierces parties reçoivent les premières communications écrites des parties.
Il s’agit d’un mode d’information important qui peut permettre à un Etat d’anticiper
un litige le concernant, notamment quand une meilleure connaissance de l’affaire
montre que des avantages dont il bénéficie pourraient être annulés ou compromis.
Cette possibilité d’intervention en tant que tierce partie
est largement utilisée aujourd’hui, ce qui constitue un élément supplémentaire
d’intégration du règlement des différends dans la mesure où cela peut déboucher
sur une plainte puis une jonction de plainte.
En effet, parallèlement, tout est fait pour faciliter
la jonction de plaintes qui ont des auteurs différents mais un objet identique
(33).
Adoption du rapport :
Le groupe spécial doit remettre son rapport dans les
délais fixés aux paragraphes 8 et 9 de l’article 12. Ensuite l’ORD doit examiner
ce rapport au moins 20 jours après
sa distribution aux Membres, ce qui permet de ménager à ces dernier un délai suffisant pour
examiner ledit rapport et soulever d’éventuelles objections (V. article 16§2).
Le rapport doit être adopté dans les 60 jours suivant la date de sa distribution aux Membres, à moins qu’une partie au différend ne notifie à l’ORD son intention de faire appel. Dans un tel cas, la phase d’adoption sera interrompue jusqu'à l’achèvement de la procédure d’appel.
Quant à la règle d’adoption du rapport elle même , nous
rappellerons encore une fois que désormais l’adoption est automatique sauf
si l’ORD décide par consensus de ne pas l’adopter (hypothèse on l’a déjà dit
, dont la réalisation paraît fort improbable , dans la mesure où au moins
la partie gagnante s’opposera à un tel consensus).
Reste cependant encore une échappatoire à l’adoption
du rapport : réussir à faire adopter une interprétation authentique qui
infirme la position adoptée par l’ORD,
ce qui suppose de convaincre le ¾ des Membres.
n
Bénéfices de l’ article 3§12
On a déjà vu dans l’étude des consultations, que tout
pays en développement plaignant avait la possibilité de recourir à
l’article 3§12, afin d’invoquer « au lieu des dispositions contenues
dans les articles 4, 5, 6 et 12 [...], les dispositions correspondantes de
la Décision du 5 avril 1966 ».
Face à la procédure se déroulant devant les groupes spéciaux,
les pays en développement peuvent , en invoquant l’article 3§12 bénéficier
de deux avantages :
- Droit à l’établissement d’un groupe spécial :
Les paragraphes 4 et 5 de la Décision du 5 avril 1966
consacre le droit à l’établissement d’un groupe spécial pour les pays en développement
plaignants, lorsque les consultations demeurent infructueuses passé un délai
de deux mois.
Si cette possibilité reconnue aux pays en développement
présentait un intérêt certain avant la mise en place du nouveau système de
règlement des différends, tel n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, comme
on l’a déjà signalé dans notre étude consacrée aux consultations, le délai
fixé au paragraphe 4 de la Décision de 1966, correspond maintenant aux délais
généraux fixés par le MARD en matière de consultation.(Article 4§7) Ensuite
, l’établissement du groupe spécial étant devenu aujourd’hui quasi automatique
, l’octroi d’un droit à l’établissement ne marque plus un traitement différencié
effectif pour les pays en développement.
- Procédure ultra rapide :
Les dispositions de l’article 3§12 trouvent à s’appliquer de manière favorable aux pays
en développement, puisqu’elles permettent à ces derniers d’invoquer la
procédure ultra rapide prévue au paragraphe 7 de la Décision du 5 avril
1966.
Ainsi un pays en développement Membre pourra demander
l’établissement d’un panel qui devra statuer dans les 60 jours suivant la
date à laquelle la question lui aura été soumise.
Une telle hypothèse représente un intérêt considérable
pour les pays en développement, car elle permet de raccourcir les délais procéduraux.
Cet élément est important car il faut rappeler que le recours au règlement
des différends n’étant pas suspensif, la mesure incriminée produit donc tous
ses effets néfastes pendant tout le temps de la procédure. Un raccourcissement
de celle-ci ne peut donc être que bénéfique.
L’article 3§12 prévoit cependant une « respiration »
de cette disposition , puisqu’il reconnaît la possibilité de rallonger
ce délai « dans les cas où
le groupe spécial considérera que ce délai est insuffisant et avec l’accord
de la partie plaignante ».
n Aménagement de délais spécifiques : article 12§10
L’article 12§10
fait bénéficier les pays en développement défendeurs au différend d’un
aménagement de délai pour la préparation et l’exposé de leur argumentation :
« ...lorsqu’il examinera une plainte visant un pays en développement Membre,
le groupe spécial ménagera à celui-ci un délai suffisant pour préparer et
exposer son argumentation ».
Une fois de plus, nous nous trouvons face à une disposition
qui peut prêter à critique. Non seulement le « délai suffisant »,
qui devrait être octroyé n’est pas strictement quantifié, ce qui laisse place
à une certaine insécurité juridique ; mais en plus il trouve une limite :
le respect des délais procéduraux de l’article 20 et du paragraphe 4 de
l’article 21.
Pour finir, ce traitement différencié empreinte de grandes
similitudes avec la procédure normale
puisque l’article 12 en son paragraphe 4 mentionne déjà une obligation quasiment
identique « Lorsqu’il établira le calendrier de ses travaux, le groupe
spécial ménagera aux parties au différend un délai suffisant pour rédiger
leurs communications ».
n
Aménagement de la composition
du groupe spécial : article 8§10
On a vu précédemment que la composition des groupes spéciaux
obéissait à des règles strictes garantes d’indépendance et de la qualité de
leurs travaux. A ce titre, l’article 12§3 stipule même qu’ : « Aucun
ressortissant des Membres dont le gouvernement est partie à un différend,
ou tierce partie... ne siégera au groupe spécial appelé à en connaître, à
moins que les parties au différend n’en conviennent autrement ».
L’article 8§10 aménage cependant une dérogation à cette
disposition puisqu’il stipule qu’ « En
cas de différend entre un pays en développement Membre et un pays développé
Membre, le groupe spécial comprendra, si le pays en développement Membre,
au moins un ressortissant d’un pays en développement Membre ».
Cette disposition assure certes une plus grande représentativité
des pays en développement dans les groupes spéciaux, mais elle présente l’inconvénient
d’opérer un recul par rapport au système antérieur. En effet, le Mémorandum
d’accord du 28 novembre 1979 au point 6 iii) de son annexe affirmait déjà
que la pratique du GATT consistait à nommer un ou plusieurs membres
ressortissants de pays en voie de développement lorsqu’on était en
présence d’un différend entre un pays en voie de développement et un pays
développé. On constate que dans ce dernier cas il n’était nullement besoin
de l’intervention d’une demande et que la représentativité des pays en développement
était plus grande (« plusieurs ») qu’ aujourd’hui.
n
Obligation particulière de
motivation : article 12§11
Le Mémorandum d’accord du 28 novembre 1979 mentionnait
déjà l’obligation pour les groupes spéciaux de tenir compte « de manière
appropriée des intérêts particuliers des pays en voie de développement »
(v. Point 3 de l’annexe au Mémorandum).
Sur ce point, on peut considérer que le MARD de l’OMC
est plus ambitieux, car il donne une portée matérielle à l’affirmation d’un
traitement différencié, en soumettant
le groupe spécial à une obligation de motivation concernant la prise en compte
de tout régime différencié et plus favorable bénéficiant à un pays en développement
et invoqué par celui-ci (article 12§11 du MARD).
On a déjà de maintes fois relevé l’innovation du MARD
qui est venu combler les lacunes du système préexistant. Pourtant ici, on
peut dire que l’innovation est « réelle », dans la mesure où le
MARD ne se borne pas à compléter et modifier les textes antérieurs, mais impose
une toute nouvelle phase dans la procédure : la phase d’appel. En effet,
aucun texte antérieur (même la Décision du 12 avril 1989) ne faisait référence
à une telle possibilité.
Cependant l’intérêt de l’établissement de cette phase
d’appel ne fera pas l’objet de longs développements dans ce paragraphe, puisque
cette question a déjà été appréhendée dans notre première partie. On se bornera
donc ici à évoquer les grandes lignes de cette nouvelle phase procédurale.
L’Organe d’Appel Permanent (OAP) obéit à des règles strictes
quant à sa composition. Règles, dont les deux principales caractéristiques
sont sans aucun doute l’exigence d’indépendance et de compétence des membres
composant l’organe d’appel.(Article 17§3)
Le déroulement de la procédure d’appel fixé aux articles
17, 18 et 19 est régi par les procédures de travail (v. article 17§9)
(34), lesquelles incluent des règles de conduite relatives
au Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement
des différends.
Nous rappellerons simplement ici que :
-seules les parties
au différend ont le droit d’introduire une demande d’appel (article 17§4)
(35).
-l’organe d’appel limite son examen aux « seules
questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux interprétations
de droit données par celui-ci » (article 17§6).
-Au terme de l’article 17§5, le délai de la procédure
s’étend de 60 à 90 jours, à partir de la date à laquelle une partie à un différend
notifie son intention de faire appel.
Si le MARD a fait preuve d’innovation en instaurant cette
phase, force est de constater que l’innovation n’a pas été poussée à son terme,
dans la mesure où aucun traitement différencié pour les pays en développement
qui soit spécifique à cette étape de la procédure n’a été envisagé.
Dès lors, les seules dispositions que l’on puisse envisager
d’appliquer seront :
- le paragraphe premier de l’article 24 réservé aux pays
les moins avancés et préconisant une certaine modération vis à vis de ces
derniers.
- le paragraphe second de l’article 27 octroyant une
assistance technique particulière aux pays en développement membre, partie
à un différend.
On a pu observer que l’élément fondamental du nouveau système de règlement des différends
consiste en la possibilité d’obtenir l’adoption d’un rapport contre la volonté
de la partie plaignante. En effet, la juridictionnalisation de la procédure
opérée par le MARD de l’OMC, a conféré au nouveau mécanisme de règlement des
différends l’effectivité qui lui manquait auparavant. La « condamnation »
d’un manquement au système commercial multilatéral étant désormais possible,
reste encore à analyser le mécanisme de sa mise en œuvre . On constate tout
d’abord que l’enjeu de la mise en œuvre des recommandations et décisions
de l’ORD est pris en compte et fermement affirmé par le MARD de l’OMC
dès le 1er paragraphe de l’article 21 :« Pour que
les différends soient résolus efficacement dans l’intérêt de tous les Membres,
il est indispensable de donner suite aux recommandation ou décisions de l’ORD ».
L’enjeu de la mise en œuvre reconnu, reste à décrire,
l’aménagement de cette phase par le MARD.
Le Mémorandum d’accord de 1979 prévoyait une surveillance
de la mise en œuvre des rapports adoptés et avait introduit la notion de mise
en œuvre dans un délai raisonnable. Cependant, il n’imposait pas d’obligations
claires aux parties Contractantes. Sur ce point force est de constater que
le MARD répond à un soucis de clarification par rapport au système antérieur :
la surveillance de la mise en œuvre est largement détaillée et une quantification du délai raisonnable
est désormais possible.
§
Surveillance de la mise en
oeuvre
Une mission de surveillance a ainsi été octroyée à l’ORD
en vertu des article 2§1 et 21§6 du MARD. Ainsi, après six mois à compter
de la décision fixant le délai d’exécution, la question de la mise en œuvre
doit être inscrite à l’ordre du jour de l’ORD et y demeurer jusqu'à ce qu’elle
ait été réglée. Concrètement, cela se traduit par une obligation pour le Membre
concerné de présenter à l’ORD un rapport de situation dans les dix jours précédant
chaque réunion à l’ordre du jour de laquelle la question est inscrite. Le
suivi se poursuit y compris dans l’hypothèse où des mesures temporaires sont
prises et jusqu'à ce que la solution définitive du différend ait été obtenue
(36).
Pour terminer, un « droit d’action des tiers »
a par ailleurs été instauré puisque la question de la mise en œuvre des recommandations
ou décisions pourra être soulevée à l’ORD par tout Membre et ce à tout moment
après leur adoption.
On peut dès lors espérer qu’un tel mécanisme assure au
moins une certaine crédibilité au système puisque est affirmée une véritable
volonté de surveillance multilatérale des obligations de la Charte de
l’OMC (37).
§
Quantification du « délai
raisonnable » de mise en œuvre
En principe, la mise en œuvre doit être immédiate. Conformément
au paragraphe 3 de l’article 21, l’ Etat Membre concerné doit informer l’ORD
de ses intentions quant à l’exécution des recommandations et décisions de
l’ORD dans les trente jours suivant l’adoption du rapport du groupe spécial
ou de l’organe d’appel.
Si les recommandations et décisions de l’ORD doivent
être mises en œuvre le plus rapidement possible, le MARD octroi cependant
un délai raisonnable à l’Etat Membre incriminé lorsqu’une mise en œuvre immédiate
est irréalisable . Cependant, les dispositions du MARD permettent désormais
de fixer ce délai raisonnable : soit par une proposition unilatérale
de l’Etat concerné qui doit être approuvé par l’ORD, soit par accord mutuel
des parties dans les 45 jours qui suivent l’adoption des rapports, soit, si
les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, par un arbitrage contraignant
qui intervient dans les 9O jours qui suivent l’adoption des rapports.
De surcroît, la quantification de ce « délai raisonnable », se trouve
également confrontée au respect de délais préalablement déterminés :
ainsi dans le cadre de la procédure ordinaire, « le délai entre la
date à laquelle le groupe spécial a été établi par l’ORD et la date de détermination
du délai raisonnable ne dépassera pas 15 mois , à moins que les parties
au différend n’en conviennent autrement » (article 21§4 ).
§
Sanctions du défaut de mise
en œuvre
Si le membre en défaut ne se conforme pas aux recommandations
et décisions adoptées par l’ORD dans le délai raisonnable qui lui est imparti, le MARD prévoit
la possibilité de recourir à la compensation ou à la suspension
de concession ou d’autres obligations. (article 22§2 du MARD)
Toutefois, ni la compensation, ni la suspension de concession
ne remplace l’obligation du Membre défaillant de mettre sa mesure en conformité
avec les accords de l’OMC (38).
En effet, on a voulu éviter que les Etats puissent « acheter »
leurs violations des accords. C’est pourquoi, il est prévu qu’il ne doit en
principe y avoir de compensation ou de suspension de concession que dans le
cas où le retrait de la mesure condamnée apparaît impossible immédiatement,
et cette compensation ou cette suspension de concession sont conçues comme temporaires
(c’est à dire jusqu’au retrait de la mesure condamnée ou jusqu'à détermination
d’une solution mutuellement satisfaisante)
Ainsi, en cas d’inexécution ou de retard d’exécution,
la partie condamnée doit, si la demande lui en est faite et au plus tard à
l’expiration du délai raisonnable, entrer en négociation avec la ou les autre
parties « en vue de trouver une compensation mutuellement acceptable »
(article 22§2 du MARD). Toute compensation doit être volontaire, et si elle
est accordée, elle doit être compatible avec les accords de l’OMC(article
22§1 du MARD).
A défaut de compensation satisfaisante dans les 20 jours
suivant la date à laquelle le délai raisonnable sera venu à expiration, toute
partie ayant invoqué les procédures de règlement des différends pourra demander
à l’ORD l’autorisation de suspendre, à l’égard du Membre concerné, l’application
de concession ou d’autres obligations au titre des accords de l’OMC (article
22§2 du MARD). Il est prévu que dans un tel cas, la partie plaignante appliquera
les principes de procédure prévus à l’article 22§3 du MARD.
Au terme de ces principes, la partie plaignante devra
d’abord rechercher à suspendre des concessions ou d’autres obligations dans
le même secteur : (article 22§3 a.) « en ce qui concerne le(s)
même(s) secteur(s) que celui(ceux) dans lequel(lesquels) le groupe spécial
ou l’organe d’appel a constaté une violation ou une autre annulation ou réduction
d’avantages ».
En cas d’impossibilité ou d’inefficacité de telles suspensions,
la partie plaignante se voit reconnaître le droit d’exercer ces dernières
dans d’autres secteurs couverts par le même accord (article22§3 b.). En dernier
ressort, le MARD ouvre la possibilité « lorsque les circonstances
sont suffisamment graves » de recourir à des rétorsions croisées,
c’est à dire la possibilité de suspendre des concessions ou autres obligations
au titre d’un autre accord (article 22§3 c.).
Autre avantage par rapport au GATT : désormais les
suspensions sont automatiquement autorisées sauf consensus négatif dans un
délai de 30 jours qui suit l’expiration du délai raisonnable (article 22§6)
Par contre (article 22§5) : « L’ORD n’autorisera
pas la suspension de concession ou d’autres obligations si un accord visé
interdit une telle suspension ».
§
Accroissement de la sécurité
juridique
Le dernier élément d’innovation du MARD en matière de
mise en œuvre est sans conteste l’introduction d’une certaine sécurité juridique :
En effet, le MARD prévoit (article 22§6) : que si le Membre concerné conteste le niveau de la suspension proposée, ou affirme que les principes et procédures énoncées à l’article 22§3 n’ont pas été suivis, la question sera soumise à arbitrage (soit du groupe spécial initial, soit d’un arbitre désigné par le Directeur général).
L’arbitre étant chargé d’examiner le niveau de la suspension
contestée (article 22§7), le nouveau système de règlement des différends de
l’OMC permet dorénavant d’encadrer la quantification des contre mesures. (les
parties doivent accepter comme définitives la décision de l’arbitre et ne
peuvent demander un second arbitrage).
§
Affirmation d’un traitement
différencié
La nécessité de reconnaître un traitement différencié
et plus favorable aux pays en développement au cours de la mise en œuvre est
clairement affirmé par le MARD : article 21§2 :
« Une attention particulière devrait être
accordée aux questions qui affecteraient les intérêts des pays en développement
Membres pour ce qui est des mesures qui auraient fait l’objet des procédures
de règlement des différends ».
Si cette affirmation est indispensable et confirme une
volonté de rééquilibrage des forces entre pays de puissance inégale, force
est de constater qu’elle subit deux écueils :
- d’une part
ce n’est pas une nouveauté, puisque le Mémorandum d’accord de 1979 mentionnait
déjà un tel impératif (39).
- et d’autre
part, l’emploi du conditionnel « devrait », soulève un doute qu’en
à la portée matérielle d’une telle affirmation.
§
Traitement différencié spécifique
à la surveillance
Le MARD reconnaît
la nécessité de tenir compte de la spécificité des pays en développement (plaignant)
au stade de la surveillance (adéquation des mesure) dans deux dispositions
distinctes :
L’ article
21§7 : « S’il s’agit d’une affaire soulevée par un
pays en développement Membre, l’ORD étudiera quelle suite il pourrait en outre
y donner qui soit approprié aux circonstances »
et l’article 21§8 : « S’il
s’agit d’un recours déposé par un pays en développement Membre, en examinant
quelles mesures il pourrait être approprié de prendre, l’ORD tiendra compte
non seulement des échanges visés par les mesures en cause mais aussi de leur
incidence sur l’économie des pays en développement Membres concernés ».
Malgré ces affirmations, ici encore le MARD de l’OMC
peut recevoir quelques critiques :
- d’une part l’affirmation d’une spécificité reconnue
aux pays en développement lors de la surveillance de la mise en œuvre n’est
pas une nouveauté. En effet, à la lecture du Mémorandum du 28 novembre 1979,
on ne constate aucune évolution de ce traitement différencié : la rédaction
des articles 21§7 et §8 du MARD de l’OMC correspond à celle des points 21
et 23 du Mémorandum de 1979.
- et d’autre
part, les sanctions prévues en cas de défaillance dans la mise en œuvre ne
font place à aucun traitement spécifique en faveur des pays les plus faibles.
Si le MARD de l’OMC contient nombre de dispositions réitérant
la volonté d’adapter la procédure de règlement des litiges, l’analyse de ce
traitement différencié fait état de deux lacunes :
d’une part, nombre de ces dispositions ne font que reprendre
l’acquis du passé et n’apportent pas d’innovation réelle,
et d’autre part le nouveau traitement différencié présente
encore de nombreuses défectuosités qui font douter de son efficacité
Aux vues de l’évolution du système de règlement des différends,
on aurait pu penser que les bénéfices apportés par le MARD de l’OMC afin de
rendre le système effectif, se seraient également accompagnés d’une évolution
du traitement différencié. Or, en analysant ce dernier, on est frappé par
le peu d’innovation qu’il consacre. L’essentiel du nouveau traitement différencié,
consiste en effet, en une reprise des dispositions passées.
§
La reprise du passé
Nombre de dispositions du nouveau MARD, ne consistent
qu’en une reprise des dispositions passées :
- L’article 4§10 du MARD de l’OMC qui reconnaît l’octroi
d’une attention particulière aux pays en développement lors des consultations
, n’est qu’une copie du point 5 du Mémorandum d’accord de 1979.
- L’assistance technique accordée par le Secrétariat
de l’OMC (article 27§2), n’est pas nouvelle non plus, puisque la nécessité
d’apporter une aide particulière aux pays en développement était déjà reconnu
en 1979 (v. point 25).
- L’article 3§12 du MARD consacre lui même le renvoi
aux dispositions du passé, puisqu’il permet une reprise partielle des dispositions
de la Décision de 1966. Il reste encore à signaler que peu de dispositions
de cette Décision présentent désormais un intérêt pour les pays en développement. En effet, la
possibilité d’invoquer les paragraphes 4 et 5 de cette Décision, emportent
peu de conséquences pour les pays en développement, car d’une part les délais
spécifiquement accordés aux pays en développement en 1966 correspondent à
ceux de la procédure normale actuelle
(v. article 7§4), et d’autre part leur reconnaître un droit à l’établissement
d’un panel (paragraphe 5 de la Décision de 1966) n’a que peu d’influence aujourd’hui
compte tenu du consensus négatif qui emporte un établissement quasi automatique
des groupes spéciaux.
- Enfin, la possibilité de recourir aux bons offices
du Directeur général de l’OMC (articles 24§2 et 3§12) est une reprise du paragraphe
1 de la Décision de 1966 et du point 8 du Mémorandum d’accord de 1979.
- Pour terminer, les trois dispositions consacrant un
traitement différencié aux pays en développement lors de la mise en œuvre
des décisions et recommandation de l’ORD, semblent grandement inspirées des
dispositions du Mémorandum de 1979, puisqu’elles se limitent à l’affirmation
d’une prise compte de la situation particulière de ces pays.
§
Un recul par rapport au passé
On constate que le MARD est loin d’innover en matière
de traitement différencié, mais plus contestable encore est son recul par
rapport au système antérieur. Ce recul n’est fort heureusement pas généralisé
à l’ensemble de la procédure, puisque seules deux dispositions en témoignent :
l’article 8§10 et l’article 3§12. Certes, ce recul en proportion n’est pas
considérable mais il convient néanmoins de le signaler car il témoigne peut
être du peu de force contraignante
du nouveau système en matière de traitement différencié. En effet, le paragraphe
10 de l’article 8 reconnaît la possibilité d’inclure un ressortissant de pays
en développement dans la composition d’un groupe spécial lorsqu’un différend
oppose un pays développé à
un pays en développement et à la demande de ce dernier.
Or, le texte de 1979 consacrait déjà une telle possibilité d’adéquation de
la composition des Panels en faveur des pays en développement (v. point 6
iii) de l’annexe au Mémorandum de 1979), mais était plus ambitieux :
d’une part plusieurs ressortissants de pays en développement,
et non pas un seul, pouvaient entrer dans la composition des panels,
et d’autre part, cette possibilité ne nécessitait pas
une demande, elle était automatiquement accordée aux pays en développement
puisque reconnue comme faisant partie de la pratique habituelle du GATT.
Une autre manifestation du recul du traitement différencié
se retrouve à l’article 3§12. En effet, si ce dernier confère la possibilité
aux pays en développement Membres d’invoquer les dispositions de la Décisions
de 1966, cette référence n’est pas
intégrale. Les seules dispositions de celle-ci dont peuvent encore se prévaloir
les pays en développement ne concernent en effet que les phases de consultation
et de conciliation. Se trouve par conséquent exclu, le paragraphe 8 de la
Décision de 1966, paragraphe qui conférait une sécurité juridique certaine
aux pays en développement au stade de la mise en oeuvre,
puisqu’il réalisait
une quantification stricte du délai « raisonnable »de cette dernière
(90 jours).
Même si aujourd’hui, le MARD de l’OMC encadre largement
la quantification de ce délai raisonnable, il est néanmoins regrettable de
ne pas avoir conserver une spécificité aux pays en développement à ce stade,
ce qui aurait ajouter une plus grande sécurité juridique à leur profit.
Nous sommes donc bien en présence d’un recul par rapport
à la situation passée dans la mesure où, d’une part , le Mémorandum d’accord
de 1979 reprenait la Décision de 1966 mais dans son intégralité (v. point
7 du Mémorandum de 1979), et d’autre part si le nouveau système de règlement
des différends prévoit une quantification du délai raisonnable pour se conformer
aux recommandations et décisions de l’ORD, cette quantification ne répond
pas à un délai strictement pré établi (v. article 21§ »3 du MARD).
§
Les innovations
Les deux seules véritables innovations en matière de
traitement différencié sont les paragraphes 10 (aménagement au profit
des pays en développement d’un délai
suffisant pour présenter leurs argumentations devant les groupes spéciaux),
et 11 de l’article 12. Ce dernier étant le plus probant puisqu’il procède
une véritable amélioration du traitement différencié en imposant une obligation
de motivation aux groupes spéciaux : « le rapport du groupe spécial
indiquera expressément la façon dont il aura tenu compte des dispositions
pertinentes sur le traitement différencié et plus favorable pour les pays
en développement Membres ».
Cet élément est incontestablement source de sécurité
juridique pour les pays en développement, dans la mesure où il donne en quelque
sorte « force obligatoire » à leur traitement différencié. Néanmoins,
jusqu’à présent, aucun pays en développement ne s’est fondé sur cette disposition
pour contester la façon dont il a été tenu compte par le groupe spécial « des
dispositions pertinentes sur le traitement différencié ».
Une autre innovation a été mentionnée précédemment dans
notre étude : la reconnaissance d’une spécificité des pays les moins
avancés par l’attribution de dispositions spécifiques à leur situation en
matière de règlement des différends. Cependant reste à se poser la question
de la portée matérielle de cette consécration des pays les moins avancés comme
catégorie particulière de pays en développement.
On a déjà mentionné que le MARD de l’OMC attribuait deux
dispositions spécifiques aux pays les moins avancés (v. article 24 §1 et 2
« Procédures spéciales concernant les pays les moins avancés Membres »).
Mais cet élément marque-t-il la consécration d’un réel traitement différencié
distinct pour la première fois de celui de la catégorie générique des pays
en développement ?
On peut en effet se poser la question si l’on examine
attentivement les deux dispositions qui leurs sont réservées.
Premièrement, le paragraphe 1er de l’article
24 stipule certes qu’une « attention particulière » doit être accordée
à la situation spéciale des pays les moins avancés Membres et ce à tous les
stades d’une procédure de règlement des différends ; mais la concrétisation
de cette affirmation transparaît dans des termes qui laissent présager une
déclaration de bonne volonté plutôt qu’une véritable obligation : « les
Membres feront preuve de modération ». Aucune précision ne venant encadrer
une telle affirmation, on peut donc douter de l’effectivité d’une telle disposition.
En second lieu, le paragraphe 2 de l’article 24 se prête
également à la critique, puisqu’il ne fait qu’octroyer aux pays les moins
avancés une possibilité qui revient désormais à tout Etat Membre de l’OMC.
En effet, on a déjà pu remarquer que l’octroi aux pays en développement des
bons offices du Directeur général n’était pas une nouveauté (v. paragraphe
1 de la Décision du 5 avril 1966 et point 8 du Mémorandum d’accord de 1979),
or désormais cette possibilité n’est plus seulement réservée aux seuls pays
en développement mais à tous les Membres de l’ OMC (article 5§6 MARD :
« Le Directeur général pourra, dans le cadre de ses fonctions offrir
ses bons offices, sa conciliation ou sa médiation en vue d’aider les Membres
à régler leur différend »). Par conséquent, on peut se demander l’utilité
d’une disposition spécifique aux pays les moins avancés, disposition qui leur
reconnaît un avantage depuis longtemps octroyé à tout pays en développement
Membre et désormais attribué sans distinction à tout Membre de l’OMC.
En droit, l’utilisation du temps futur du mode indicatif
traduit l’obligation, par opposition à l’utilisation du mode conditionnel.
Or, à la lecture des dispositions du MARD de l’OMC consacrant un traitement
différencié au profit des pays en développement et moins avancés Membres,
on constate un large emploi du mode conditionnel, ce qui laisse présumer l’affirmation
d’une intention de bonne volonté plus qu’une stricte obligation.
Il en est ainsi par exemple de l’article 4 §10
qui stipule : « les Etats Membres devraient accorder une
attention spéciale aux problèmes et intérêts particuliers des pays en développement... »,
ou encore du paragraphe 2 de l’article 21 : « Une
attention particulière devrait être accordée... ».
Nonobstant l’utilisation d’un temps particulier, les
termes même des dispositions spécifiques aux pays en développement sont emprunts
d’une telle généralité qu’il est alors impossible de qualifier de manière
stricte l’obligation visée. Ainsi en est-il de l’ « attention particulière »
mentionnée au paragraphe 2 de l’article 21, ou encore de la « suite appropriée »
aux circonstances que doit étudier l’ORD (article 21§7). De même que l’obligation
de « modération » préconisée au paragraphe 1er de l’article 24 en faveur des pays les moins
avancés est laissée à l’entière discrétion des Membres puisqu’elle n’est pas
définie !
Aux vues de ces considérations, on peut sans aucun doute
affirmer que le traitement différencié et plus favorable consacré par le MARD
de l’OMC, laisse une grande place à la soft law, dont on connaît le peu de
poids en droit international et plus particulièrement quand sont en cause
les relations économiques des Etats .
Outre quelques sous catégories spécifiquement distinguées
par certains accords tels que les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires
visés à l’article 16 de l’accord sur l’agriculture, ou encore les pays exportateurs
producteurs de coton, les pays en développement producteurs de laine, qui
font l’objet de distinction dans le cadre de l’accord sur les textiles ;
les accords de Marrakech mentionnent généralement la catégorie des pays en
développement et celle plus particulière des pays les moins avancés.
Tel est d’ailleurs le cas du MARD qui ne procède à aucune
sous distinction entre ces deux catégories génériques. En conséquence, le
Mémorandum connaît le même écueil que l’ensemble des autres accords de Marrakech,
à savoir, qu’aucune définition de chacune des deux catégories n’est donnée.
En effet, seul l’accord sur les subventions donne quelques
précisions, mais celles-ci ne valent que pour ce qui le concerne (40).
Pour l’ensemble des autres accords de Marrackech et par
conséquent pour le MARD, aucune méthode de détermination des pays rentrant
dans l’une ou l’autre des catégories n’est précisée. Ainsi, on peut se demander
quelle méthode d’identification peut être privilégiée entre la méthode des
critères, la méthode des listes ou la méthode de l’auto -élection.
On a précédemment évoqué la nouveauté et l’importance
de l’institution d’une phase d’appel dans le système de règlement des différends
de l’ OMC. Malheureusement, si cette innovation témoigne de la juridictionnalisation
de la nouvelle procédure, force est de constater que parmi les trois articles
du MARD consacré à cette phase (articles 17, 18 et 19) aucun ne contient de
disposition spécifique aux pays en développement ou moins avancés Membres.
On peut donc regretter que l’innovation opérée par le
MARD n’ait pas été poussée à son comble en intégrant une disposition spécifique
aux pays les plus faibles ; fût-elle conditionnelle, cette attention
aurait déjà eu le mérite d’exister.
On a pu constater que le nouveau système de règlement
des différends introduit par le MARD de l’OMC permet désormais d’obtenir l’adoption
d’un rapport contre la volonté de la partie en cause. La principale conséquence
de cette évolution est que désormais, la bonne volonté de la partie perdante
quant à la mise en œuvre des rapports ne peut plus se présumer comme lorsqu’elle
n’avait pas opposé son veto à l’adoption. En posant comme règle l’adoption
des rapports sauf consensus contre, les négociateurs ont donc transféré le
problème fondamental du règlement effectif des différends au GATT de l’adoption
à la mise en œuvre.
La mise en œuvre des rapports constitue donc la phase
de la nouvelle procédure de règlement des différends représentant le test
de l’efficacité et de l’adéquation du nouveau système.
Comme nous l’avons remarqué dans la première partie de
notre étude, il est incontestable que la nouvelle procédure mise en place
par le MARD de l’OMC renforce de manière considérable la place du droit, et
ce même au niveau de la mise en œuvre des décisions de l’ORD.
Ainsi, l’instauration d’une surveillance multilatérale,
la quantification du délai raisonnable de mise en œuvre, l’ autorisation quasi
automatique des contre mesures, et la possibilité de recourir à des rétorsions
croisées témoignent d’une amélioration de la mise en œuvre.
Cependant, la question se pose de savoir, si cette amélioration
est suffisante en soi pour assurer aux pays les plus faibles l’effectivité
du nouveau système de règlement des différends.
Sans hésitation,
la réponse à cette interrogation est négative.
Les sanctions du défaut de mise en œuvre sont purement
et simplement inadaptés aux pays en développement. Si la procédure
de règlement des différends de l’OMC est largement bénéficiaire d’une juridictionnalisation,
force est de constater que celle-ci n’a pas été poussée à son terme.
La mise en œuvre des décisions et recommandations de
l’ORD reste le témoin de la persistance des rapports de force économique en
matière de règlement des différends.
Et plusieurs allégations peuvent être soutenues à l’appui
d’un telle affirmation :
Tout d’abord, le défaut d’effet suspensif du système
de règlement des différends est largement préjudiciable aux pays les plus
faibles économiquement. Il faut aussi noter que dans un système où l’obligation
de mise en conformité n’existe que pour le futur, et ne peut être sanctionné
que par un nouveau recours aux procédures de règlement des différends, rien
n’empêche en principe un membre de remplacer une mesure par une autre, tout
aussi illégale, et d’attendre qu’un nouveau panel soit demandé et conclue
à la non conformité de la nouvelle mesure.
Certes, au cas où la partie incriminée ne se conforme
pas aux décisions et recommandations de l’ORD, l’autorisation de prendre des
contre mesures sous forme de suspension de concession est désormais automatique.
Mais cette possibilité n’est certainement adaptée aux pays en développement.
Quel est en effet, l’impact d’une suspension de concession d’un pays à l’économie
émergente face aux puissances industrialisées. Et si le MARD de l’OMC a introduit
la possibilité de recourir à des mesures de rétorsion croisées, il soumet
le recours à ces dernière à un ordre précis et seulement en cas de circonstances
suffisamment graves. La possibilité de rétorsions efficaces pour un pays en
développement reste donc assez largement illusoire, sans compter que souvent,
elles ne bénéficieront pas à l’industrie directement affectée par la violation
attaquée en premier lieu.
« On aboutit à la situation paradoxale où les
pays économiquement moins puissants, qui ont donc l’intérêt le plus direct
à un règlement des différends contraignant, ne sont pas dans la possibilité
d’en assurer une mise en œuvre effective » (41).
Une solution,
revendiquée par les pays en développement aurait été de recourir à des sanctions
collectives de rétorsion contre l’Etat développé reconnu coupable, mais cette
solution n’a pas été retenue par le MARD de l’OMC. On assiste en quelque sort
à un retour au statu quo ante, la condamnation d’un manquement au système
commercial multilatéral est certes aujourd’hui possible, mais l’effectivité
de sa mise en œuvre est plus qu’aléatoire lorsque un pays en développement
est plaignant. Là où un traitement différencié en faveur des pays en développement
était le plus indispensable, le MARD l’élude, et soumet les
pays en développement à une procédure générale qui ne peut être effective
que lorsque le plaignant appartient au club des « favorisés ».
Le système de règlement des différends de l’OMC doit
faire l’objet d’un réexamen en 1999, et dans cette perspective il semblait
intéressant d’établir un bilan de la situation des pays en développement face
à l’actuel système.
L’analyse du
MARD de l’OMC appelle plusieurs constatations.
Tout d’abord, la juridictionnalisation dont a été bénéficiaire
la nouvelle procédure doit être classée au rang des réussites, puisqu’il est
désormais possible d’obtenir la condamnation d’un Etat se rendant coupable
d’un manquement aux règles commerciales multilatérales. Et l’augmentation
du nombre de plaintes semble témoigner
de ce que cette procédure a obtenu une certaine crédibilité aux yeux des membres
de l’OMC. Par ailleurs, la nécessité d’un traitement différencié en faveur
des pays en développement semble aujourd’hui acquise .
Mais c’est précisément sur ce dernier point que l’actuel
système « pêche » : la volonté de rétablir une certaine égalité
entre les membres de l’OMC est certes affirmée mais n’est pas poussée jusqu’à
son terme.
Si la première phase de la procédure (de l’engagement des consultations jusqu’ à l’adoption des rapports), grâce à un effort de juridictionnalisation et l’octroi d’un traitement différencié permet d’établir une égalité entre tous les membres face au règlement des différends, tel n’est pas le cas de la phase de mise en œuvre.
En effet, faute de pouvoir comme dans le passé bloquer
l’adoption des rapports, les Etats en sont réduits à ne pas exécuter. La question
de l’effectivité du nouveau système de règlement des différends repose donc
dorénavant sur l’efficacité des sanctions. Or notre étude l’a démontré , ces
dernières ne son pas suffisante pour permettre à un pays en développement
de faire appliquer son « bon droit ».
Le traitement différencié accordé par le MARD se limite
donc à une affirmation de bonne volonté et semble refléter toute l’hypocrisie
du système commercial mondial. On se limite à reconnaître un traitement différencié
sans réelle portée matérielle et à un stade où il n’était pas fondamental
(1ère partie de la procédure). Alors qu’il
fait défaut là où il aurait été nécessaire.
Le MARD de l’OMC consacre en conséquence la persistance
d’un rapport de force économique entre faible et fort, entre riche et pauvre,
sans vraiment apporter une quelconque amélioration pour rétablir de manière
effective une égalité entre pays inégaux.
Voilà pourquoi certains concluent qu’: « Un mécanisme
qui renonce à se fonder sur l’intérêt politique des Etats au bon fonctionnement
de l’accord instituant l’OMC et qui se base presqu’entièrement sur la menace
de sanctions, mais ne rend pas celles-ci utilisables, ne nous semble pas devoir
être viable sans modifications visant soit à renforcer les sanctions, soit
à revenir au mécanisme antérieur d’adoption volontaire » (42).
Or, les modifications qui pourraient être apportées au
système pour renforcer les sanctions semblent à l’heure actuelle encore « utopiques ».
En effet, la possibilité de recourir à des sanctions collectives s’avère techniquement
difficile. Elle impliquerait des difficultés d’évaluation du montant des suspensions
par chaque membre, mais elle serait également contraire au concept de la suspension
de concessions équivalente au préjudice subi.
Mais encore, l’idée d’une juridictionnalisation complète
du système dans laquelle les groupes spéciaux et l’Organe d’Appel bénéficieraient
du pouvoir d’édicter de véritables décisions judiciaires, ne semble pas avoir
d’écho au sein des Etats Membres. En effet, l’OMC comme le GATT est une enceinte
économique. Et une des raisons du succès du GATT avait été d’introduire un
système de sanctions suffisamment tolérable pour ne pas rendre la non-appartenance
à l’Accord général préférable à la participation. Dans un système incluant
la quasi totalité des pays du globe, il est clair qu’un pays réfléchirait
avant de quitter l’OMC, mais un pays suffisamment puissant économiquement
pourrait le faire et il est alors probable que cela affecterait le fonctionnement
du système introduit par les résultats de l’Uruguay Round. Voilà pourquoi
l’imposition de sanctions obligatoires demeure encore à l’heure actuelle illusoire
au sein de l’OMC.
Celle-ci demeure une enceinte internationale dans laquelle
l’économique et la voie du plus fort priment. L’attitude des Etats-Unis portent
d’ailleurs le témoignage de cette absence de volonté à se soumettre à un système
commercial multilatéral contraignant.
Rappelons, qu’ils n’ont accepter d’adhérer à l’OMC qu’à
la condition de garder la possibilité d’utiliser les sections 301 et super
301 de leur loi commerciale, qui leurs permettent d’adopter des mesures unilatérales
en cas de pratique commerciale étrangère jugée déloyale ! De surcroît,
le Congrès des Etats-Unis a mis en place une commission de surveillance du
mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Cette commission est
chargée d’examiner tous les rapports concernant les Etat Unis pour
déterminer si le panel a excédé ses pouvoirs ou a décidé en dehors du champ
d’application de l’Accord. Elle peut faire des recommandations pour un ajustement
des règles de règlement des différends, et 3 recommandations en 5 ans autorisent
à envisager le retrait des Etats-Unis de l’Organisation.
En conclusion, on ne peut être que pessimiste quant à
la possibilité d’une évolution du système de règlement des différends dans
un sens favorable aux pays en développement. Cette évolution se heurte aux
moyen de pression dont les pays les plus puissants disposent (menace de retrait).
Dans le domaine économique la « philanthropie » n’étant pas de mise, il semble donc
peu probable que les Etats développés manifestent une quelconque volonté politique
favorable à l’instauration de sanctions contraignantes.
OUVRAGES
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Pédone, 1996.
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Rapport annuel de l’OMC 1997 « Le commerce et la
politique de concurrence »
Rapport
annuel de l’OMC 1998 « Mondialisation et commerce international »
Décision du 5 avril 1966 sur la procédure d’application
de l’article XXIII, GATT, IBDD 14ème suppl., p.19.
Mémorandum d’accord concernant les notifications, les
consultations, le règlement des différends et la surveillance adopté le 28
novembre 1979, accompagné de son annexe (description convenue de la pratique
habituelle du GATT en matière de règlement des différends), GATT IBDD, 26ème
suppl., p.231.
([1]) Compte tenu de ses objectifs, la procédure de règlement des différends du GATT dispose d’un champ d’application particulier. Ainsi, au terme de l’article XXIII, un Membre peut porter plainte s’il considère que l’avantage résultant pour lui du GATT (directement ou indirectement) se trouve annulé ou compromis, ou que la réalisation d’un objectif du GATT est entravée du fait que :
(article XXIII §1) :
-« une autre partie contractante ne remplit pas les obligations qu’elle a contractée »
-« une
autre partie contractante applique une mesure, contraire ou non aux dispositions
du GATT »
-« qu’il
existe une autre situation »)
(2) Les représentants des Etats au différend faisaient partie des groupes de travail.
(3) B. Taxil, « L’OMC et les pays en développement », Monchrestien 1998, p.130.
(4) GATT IBDD 14me suppl. p.19.
(5) GATT IBDD 26me suppl. p.231.
(6) Le désir de réforme s’est par exemple manifesté aux Etats Unis. « Tant qu’a duré leur hégémonie commerciale, ils se satisfaisaient de l’absence de règles claires et contraignantes et de l’absence de mode de règlement obligatoire accompagnant ces règles. Mais à partir du moment où ils ont éprouvé davantage de difficultés à imposer leurs positions face à des concurrents plus puissants tels le Japon ou la Communauté Européenne, ils sont devenus de plus en plus demandeurs de règles claires assorties de sanctions précises.» V. H. Ruiz Fabri « Le règlement des différends dans le cadre de l’OMC », JDI 1997, p.715
(7) Déclaration sur le règlement des différends du 29 novembre 1982, GATT IBDD, 29e suppl., p.13 ; Action sur le règlement des différends du 30 novembre 1984, GATT IBDD, 31e suppl., p.9
(8) Décision d’amélioration des règles et procédures régissant le règlement des différends, GATT IBDD, 36e suppl., p.64
(9) Un Etat ne peut être Membre de l’Organisation qu’en souscrivant au minimum à un ensemble de textes, Charte de l’OMC et annexes dont le Mémorandum sur le règlement des différends.
(10) Pour les accords plurilatéraux, le mécanisme de règlement des différends du MARD ne s’appliquera que sous réserve de l’adoption, par les parties à chacun de ces accords plurilatéraux, d’une décision établissant les modalités d’application du Mémorandum d’accord.
(11) D. Carreau, P. Juillard , « Droit International Economique », LGDJ, 1998, p.91.
(12) Tous les Membres de l’OMC ont par définition accepté la juridiction obligatoire et exclusive des instances de règlement des différends de l’OMC pour toute affaire se rapportant aux accords visés de l’OMC. Au terme de l’article XVI §5 de l’Accord de l’OMC, aucune réserve ne peut être formulée pour aucun des accords de l’OMC.
(13) E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends de l’OMC », RGDIP, 1994-2, page 698.
(14) Des délais spécifiques sont prévus pour les cas d’urgence (article 4§8).
(15) Il convient de relever la rédaction paradoxale de l’article 9§8, qui juxtapose aux termes « en aucun cas » , l’emploi du conditionnel « devrait ».
(16) Après expiration du délai fixé pour la réception des observations des parties au différend, le groupe spécial remet à celles-ci son « rapport intérimaire »comprenant aussi bien les sections descriptives que ses constatations et conclusions (article 15§2 du MARD). Dans un délai fixé par le groupe spécial (généralement moins de 2 semaines), une partie peut demander par écrit au groupe spécial que celui-ci réexamine des aspects précis de son rapport intérimaire avant de remettre aux parties son rapport final. L’intérêt de cette phase de réexamen intérimaire est parfois contestée comme constituant une redondance, dans la mesure où une phase d’appel est mise en place. Or cette critique omet de considérer que la phase d’appel se limite à un examen des questions de droit. L e réexamen intérimaire conserve donc une utilité certaine, sans compter qu’il n’occasionne aucune prorogation de délais.
(17) Le droit de demander l’établissement d’un groupe spécial a été reconnu pour la première fois en 1966 en ce qui concerne les plaintes de pays en développement, puis en 1979 pour ce qui est des plaintes déposées au titre de l’Accord antidumping et de l’Accord relatif aux subventions du Tokyo Round, et enfin, en 1989 pour tous les différends portés devant le GATT. De même le recours au mandat type est devenu la pratique dans les années 80 et le droit de demander un tel mandat fut formellement reconnu en 1989.
(18) B. Taxil, « L’OMC et les pays en développement », Monchrestien 1998, p. 138.
(19) Y. Renouf « Les mécanismes d’adoption et de mise en oeuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », AFDI 1994, p.779.
(20) E. Canal - Forgues, « Le système de règlement des différends de l’OMC », RGDIP 1994, p.703.
(21) La pratique du GATT de 1947 a connu une manière d’arbitrage en 1963 lors du différend opposant les Etats-Unis à la CEE dans l’affaire dite de la « guerre des poulets » puisque les deux parties avaient convenu de se conformer aux conclusions du groupe spécial. De plus, plusieurs accords commerciaux conclu entre parties contractantes au titre de l’article XXIV du GATT de 1947 prévoyaient la possibilité de régler les différends commerciaux par voie d’arbitrage.
(22) Ces dispositions ne s’appliquent pas de manière aussi stricte en cas de plainte en situation de non violation.
(23) S. Thouvelot « L’OMC, un arbitre sous influence », Problèmes économiques , avril 1999, p. 64.
(24) En mai 1998, sur 122 plaintes déposées depuis 1995, 30 émanaient de pays en développement, soit autant que l’Union Européenne.
(25) Mais l’accord auquel sont parvenues les parties est communiqué à l’ORD.
(26) Point 5 « Au cours des consultations, les parties contractantes devraient accorder une attention spéciale aux problèmes et aux intérêts particuliers des parties contractantes peu développées ».
(27) Paragraphe 4 de la Décision du 5 avril 1966 : « Si un règlement satisfaisant pour les parties n’est pas intervenu dans un délai de deux mois... » (On peut considérer que les termes « deux mois » mentionnés au §4 de la Décision de 1966, correspondent à la mention de « soixante jours » visée au §7 de l’article 4 du MARD.
(28) Paragraphe 1er de la Décision du 5 avril 1966 : « ... la partie contractante peu développée qui s’estime lésée pourra porter l’affaire qui fait l’objet de consultations devant le Directeur général afin que celui-ci puisse, dans le cadre de ses fonctions, utiliser ses bons offices en vue de faciliter une solution ».
(29) Parties Contractantes=réunion des Etats Parties au GATT.
(30) La pratique du mandat type s’est développée dans les années quatre vingt et le droit de demander un tel mandat a été consacré par la Décision de 1989.
(31) Un calendrier indicatif très précis figure dans l’Appendice 3.
(32) Sur l’interprétation donnée de l’article 11 dans l’affaire CE Hormones voir l’article de P. Van den Bossche, G. Marceau dans la Revue du marché unique européen, 1998, n°3,p.47 et suivantes.
(33) Les règles de procédure en cas de pluralité de plaignants sont précisées (article 9). Le MARD réserve par ailleurs, la possibilité qu’il soit rédigé un rapport distinct même si les plaintes sont jointes.
(34) Règlement de procédure de l’organe d’appel dont l’adoption est intervenue le 15 février 1996 et fut révisé le 28 février 1997.
(35) Il est cependant reconnu aux autres parties intéressées la possibilité de participer comme tierce partie, après avoir informé l’ORD qu’elles ont un intérêt substantiel.
(36) L’ORD continue d’assurer sa surveillance de la mise en œuvre des décisions et recommandations, y compris dans tous les cas où des concessions ou d’autres obligations sont suspendues en vertu de l’article 22§6 et 22§8 du MARD.
(37) Cet esprit de multilatéralisme dont est imprégné le nouveau système est encore visible à ce stade puisque « Dans les cas où il y aura désaccord au sujet de l’existence ou de la compatibilité avec un accord visé de mesures prises pour se conformer aux recommandations et décisions, ce différend sera réglé » suivant les procédures de règlement des différends prévues dans le MARD, « y compris dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial » (article 21§5 du MARD.
(38) Le retrait de la mesure condamnée reste constamment l’objectif de la procédure (article 3§7).
(39) Point 21 Mémorandum 79 : « S’il s’agit d’un recours déposé par une partie contractante peu développée...lorsqu’elles examinerons la suite à donner, les PARTIES CONTRACTANTES tiendront compte, non seulement des échanges commerciaux visés par les mesures faisant l’objet du recours, mais aussi de leur incidence sur l’économie des parties contractantes peu développées qui seraient concernées».
(40) Selon les articles 3-1 a) et 27-2 a), sont exemptés de la prohibition des subventions, les pays désignés à l’Annexe VII, à savoir, les pays les moins avancés désignés comme tels par l’ONU et Membres de l’ OMC, et une liste de pays qui cesseront d’appartenir à la catégorie des P.M.A. lorsque le PNB par habitant y aura atteint 1000 dollars par an sur la base des données de la Banque Mondiale.
(41) Y. Renouf « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », AFDIP 1994, p.790.
(42) Y. Renouf « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », AFDIP 94, p.791.